Depuis le 15 mars 2023, Jérémy, jeune militant suisse de 23 ans, est incarcéré préventivement à la prison de Champ-Dollon. Il est accusé par le Ministère public genevois de divers actes de sabotage contre des engins de chantier du géant Holcim, premier producteur mondial de ciment.

La multinationale Holcim est le premier producteur de ciment mondial depuis son rachat de Lafarge en 2015. Elle endosse une responsabilité gigantesque dans le réchauffement climatique. La production de ciment est une des activités les plus dévastatrices pour l’environnement: elle est la branche la plus polluante de l’industrie et elle participe également à près de 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Plus gros pollueur de Suisse, Holcim s’inscrit dans le top 50 des entreprises les plus polluantes du monde. L’entreprise exporte aussi l’écrasante majorité de ses émissions de CO2 dans les pays du Sud global. Active dans une septantaine de pays, elle a produit hors de Suisse plus de 120 millions de tonnes de CO2 en 2019.

Holcim a déjà été condamnée de nombreuses fois pour le non-respect des lois environnementales et des protections sociales dans les pays où elle sévit. Malgré les multiples promesses de réduction de ses activités polluantes, les intentions réelles de la multinationale ne font aucun doute: continuer de produire du ciment, accumuler les bénéfices (avec un bénéfice net record de 3,3 milliards de francs en 2022), au détriment de toute considération environnementale et sociale.

Depuis 2018, une génération entière a pris la mesure de la catastrophe environnementale actuelle. Des milliers de militant·es sont descendu·es dans la rue chaque mois pour alerter les institutions du désastre climatique, en les exhortant à prendre des mesures rapides et drastiques pour faire changer les choses. En parallèle, des voix de plus en plus nombreuses ont dénoncé la dangerosité de certaines multinationales telles que Holcim, qui attaquent le vivant et participent activement à la destruction de notre planète. Un mouvement d’ampleur contre l’entreprise mortifère a tenté d’enrayer l’extension de sa carrière sur la colline du Mormont. Des pétitions ont été remises aux autorités, sans succès. Des manifestations de rues et des actions de désobéissance civile ont eu lieu, sans succès. Une ZAD a occupé la colline pendant six mois, sans succès. Les autorités sont restées de marbre face aux multiples revendications du mouvement pour le climat. Elles n’ont pas su reconnaître l’urgence du changement climatique ni qu’une génération entière s’était soulevée face à l’inaction des institutions en matière d’écologie. Il est évident que ce refus obtus et rigide et la répression des actions publiques ne peuvent que désespérer les personnes les plus engagées et conscientes des enjeux. Aujourd’hui, ces mêmes institutions ne savent pas reconnaître que les actions de sabotage dont Jérémy* est accusé s’inscrivent dans la continuité d’une lutte qui n’a trouvé aucun écho sérieux au sein de la classe politique.

Les autorités n’ont pas seulement ignoré les revendications du mouvement climat. Lorsque les mobilisations pour le climat ont pris de l’ampleur, elles ont aussi fait le choix de les réprimer. A Genève, des militant·es ont été traduit·es en justice pour dommage à la propriété après avoir peint en rouge le siège de Credit Suisse (procès «Mains rouges» en 2020). En 2021, 15 personnes comparaissaient au tribunal pour avoir participé en mars 2019 à une grève pour le climat durant laquelle les manifestant·es s’étaient assis·es dans une rue piétonne (procès des «15 de la Treille»). A Lausanne, 200 personnes passent devant la justice depuis 2021 dans le gigantesque «procès des 200» pour s’être assises sur un pont en 2019. La ZAD de la Colline a également subi une répression féroce: l’évacuation du Mormont en mars 2021 a constitué l’une des plus grandes opérations policières de Suisse romande depuis les années 2000. Désormais, c’est un acharnement juridique que subissent les militant·es, de par les velléités personnelles de l’ex-procureur général vaudois Eric Cottier de poursuivre les zadistes malgré le retrait de plainte d’Holcim, ou de par les peines de prison ferme en première instance contre les inculpé·es ayant refusé de décliner leur identité. A la suite de la détention préventive de Jérémy* nous constatons que le mouvement climat se retrouve pour l’énième fois sur le banc des accusés, alors que les entreprises qui rendent littéralement impossible la vie sur Terre voient leurs intérêts protégés par les pouvoirs publics.

Que Jérémy* ait véritablement participé ou non aux actes de sabotage dont il est accusé, la question est ailleurs. Il s’agit à présent de reconnaître qu’une génération est en train de se soulever par différents moyens car elle prend la juste mesure des enjeux environnementaux actuels. En enfermant Jérémy*, la Justice tente de restreindre et de contenir tout un mouvement. Nous appelons à la résistance et à la solidarité de toutes les personnes qui luttent pour un monde respectueux du vivant et débarrassé des multinationales destructrices.