Wilsdorf achète trois hôtels pour l’hébergement social
Ce n’est pas un, ni deux, mais trois hôtels que la Fondation Hans Wilsdorf a achetés à Genève, a appris Le Courrier. Récemment, la Tribune de Genève se faisait l’écho de l’acquisition de l’Hôtel de la Cour des Augustins dans le quartier de Plainpalais. Un établissement 4 étoiles situé à la rue Jean Violette, dont la fondation est devenue propriétaire il y a peu pour 32,5 millions de francs, et qu’elle a remis illico au CausE, le collectif d’associations pour l’urgence sociale.
Ces «donations» de la fondation Wilsdorf, en réalité un droit de superficie octroyé par le mécène au CausE, à la Croix-Rouge genevoise et au refuge du Cœur des Grottes, ne sont pourtant pas une totale surprise pour les trois structures bénéficiaires. Chacune a en effet déposé en 2022 un dossier complet pour l’obtention d’un lieu d’accueil. Et pourquoi des hôtels? Contrairement à un immeuble locatif, ils disposent de locaux communs, indispensables pour le fonctionnement de ces associations.
«Nous avons acheté ces hôtels pour que ces institutions sociales puissent déployer leurs activités de manière pérenne, explique Marc Maugué, secrétaire général de la Fondation Wilsdorf. Nous n’avons évidemment pas pour vertu d’enrichir de biens immobiliers les associations.» En bref, la fondation est seule propriétaire, alors que les associations ont l’usage des bâtiments – une forme d’usufruit. C’est donc à elles d’allouer, ou de trouver, les fonds nécessaires pour assurer la gestion et le bon fonctionnement du lieu.
L’Hôtel de la Cour des Augustins pour le CausE
«C’est énorme!» s’enthousiasme Aude Bumbacher, directrice du CausE, qui regroupe l’Armée du Salut, le Bateau Genève, Caritas Genève, la Roseraie, le Centre social protestant et Première ligne. «Qu’une fondation mette à disposition un bâtiment comme celui-là, c’est extraordinaire.» D’autant que le CausE bénéficie d’un droit de superficie de dix ans minimum. Le collectif va progressivement quitter ses structures provisoires d’accueil, comme la Maison de la Roseraie, pour ne garder que le local de répit humanitaire inconditionnel qui se trouve à Plan-les-Ouates et la Cour des Augustins, donc. Avec une installation prévue d’ici l’automne. Car avant d’accueillir ses premier·ères pensionnaires, le CausE doit encore effectuer quelques menus travaux pour accueillir plus de monde. L’hôtel compte pour l’heure 40 chambres et à terme pourra accueillir plus de 65 personnes (hommes, femmes et enfants). L’installation d’une cuisine commune est également prévue. Reste qu’il faut maintenant trouver une partie du financement, pour les travaux, mais surtout pour assumer les frais de fonctionnement annuel (électricité, entretien, salaires, etc.). Des frais budgétés à 2,5 millions par année.
Avant de prendre pleinement possession du lieu, le collectif a prévu d’organiser des séances d’information avec le voisinage durant le mois de mars. «Le but est d’expliquer notre rôle afin de rassurer celles et ceux qui pourraient être préoccupé·es par notre arrivée ou qui auraient simplement des questions», explique la directrice.
L’hôtel du Lido pour la Croix-Rouge genevoise
La Fondation Wilsdorf avait acheté en décembre 2021 l’hôtel du Lido à la rue Chantepoulet, non loin de la gare Cornavin, pour 12,3 millions de francs. Elle a donné les clés à la Croix- Rouge genevoise pour vingt ans. Le futur foyer, en travaux, accueillera d’ici le printemps des jeunes adultes de 18 à 25 ans en rupture. «Cela fait trois ans que nous cherchions un bâtiment pour les accueillir, explique Stéphanie Lambert, directrice de la Croix-Rouge genevoise. Vingt quatre places seront disponibles, avec un accompagnement social pour mener à bien des projets d’insertion professionnelle.»
Un hôtel pour le Cœur des Grottes
Quant au troisième immeuble dont la fondation est détentrice depuis décembre 2022, il s’agit d’un hôtel situé dans le secteur de la gare, mis à disposition du Cœur des Grottes. Cette institution, qui accueille des femmes et enfants victimes de violences, nous prie de garder la confidentialité sur son exacte localisation pour des raisons de sécurité évidentes. Ce bâtiment donc, acquis pour 26 millions de francs, dispose d’une cinquantaine de chambres. Et c’est peu dire qu’il y avait urgence. En effet, le Cœur des Grottes a annoncé une diminution de sa capacité d’accueil de près de 50%, d’ici deux ans. En cause: la fin de baux pour une dizaine d’appartements loués par le Cœur des Grottes, et la fermeture du foyer d’accueil de Riant-Parc, une maison située à un jet de pierre de Balexert. Ce «cadeau» fort a propos, mais qui ne doit rien au hasard, est salué avec enthousiasme par Daria Clay, la directrice. «Nous augmentons notre capacité d’accueil de 20% pour accueillir plus de 80 femmes et enfants», se réjouit-elle.
Contrairement aux autres associations, le Cœur des Grottes avait fixé son choix sur cet hôtel bien en amont de la remise des clés par Wilsdorf. «Nous avons déposé un dossier, préparé avec toute l’équipe, auprès de la fondation avec cet hôtel en tête, selon un nouveau concept d’accompagnement basé sur une récente étude menée en interne et financée par la Confédération, explique la directrice. Il est fonctionnel et très proche de notre lieu historique dans le quartier des Grottes.»
Du coup, le Cœur des Grottes va regrouper ses activités d’accueil et ses prestations liées au suivi des femmes et des enfants aux Grottes, alors que la partie hébergement prendra place uniquement dans l’hôtel. Là aussi, reste à trouver le financement pour cette année de transition, dont des travaux liés à la sécurité, qui amène le budget 2023 a «un déficit de 860’000 francs». Sans parler du déménagement qui doit intervenir ces prochains jours, même si la légère rénovation n’est pas terminée. Un changement de lieu qui demande «un travail acharné de toute l’équipe, mais dans une très belle ambiance», sourit la directrice. Et de conclure: «Cet hôtel, c’est une superbe opportunité pour une meilleure pratique dans notre travail, mais surtout un lieu pour accueillir dignement les femmes et les enfants victimes de violences.»
La fondation paie des impôts
Last but not least, depuis 2020, la fondation genevoise paie des impôts dans notre canton, alors que cette institution d’importance est au bénéfice d’une exonération fiscale. Une décision mûrement réfléchie, selon la fondation. Rien en effet n’oblige Wilsdorf à abonder les caisses de l’Etat de Genève. «Nous avons pourtant renoncé à faire usage de ce droit d’exonération, explique Marc Maugué, secrétaire général de la fondation. Nous considérons que c’est de notre devoir de payer des impôts.» Wilsdorf a donc versé près de 30 millions dans les caisses publiques en 2020, et un chouia plus les années suivantes.
A noter que la Fondation Wilsdorf est propriétaire de l’entreprise Rolex. Elle touche donc des dividendes qui sont distribués sous forme de dons, dans le cadre des buts fixés par le fondateur et en adéquation avec les statuts de la fondation. Le secrétaire général précise encore que «la Fondation Hans Wilsdorf et Rolex sont deux entités juridiques distinctes et que Rolex a toujours payé ses impôts».