Genève

La violence pour seul écho

La violence pour seul écho
LOUIS VILADENT
Violences policières

Plus royaliste que le roi, la police genevoise? Jeudi passé, au 8 de la rue Royaume, dans le quartier populaire des Pâquis, elle s’est illustrée par un zèle inédit pour tuer dans l’œuf l’occupation d’un immeuble laissé vide depuis l’incendie qui l’avait ravagé il y a plus de deux ans. Incendie qui avait mis au jour les pratiques de marchands de sommeil qui, sous couvert de sous-location, logeaient essentiellement des sans-papiers dans des quatre-pièces insalubres, les soumettant aux aléas des fuites d’eau et des coupures de chauffage.

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Le propriétaire, peu préoccupé à l’époque par l’état de son bien et sa gestion, n’y aurait vu que du feu. Aujourd’hui, la société propriétaire est en liquidation depuis vingt-cinq ans et garde à son actif deux autres immeubles délabrés, l’un dans la Vieille-Ville de Genève, l’autre à Lausanne, alors que la pénurie de logements fait rage. C’est pour défendre ce droit à la propriété que les forces de l’ordre ont mobilisé des dizaines d’agent·es anti-émeute la semaine dernière.

L’opération a été aussi courte que violente. Y compris envers les personnes restées à l’extérieur de ladite propriété privée, notamment un député qui a écopé de coups de tonfa. Dans la foule, des journalistes nassés, dont celui du Courrier, identifiés comme tels et porteurs d’une carte de presse. Le comportement à l’égard d’un photographe de la Tribune de Genève, frappé alors qu’il rendait compte de la manœuvre policière, a dépassé les bornes. Au point de faire réagir Reporters sans Frontières Suisse. L’ONG a dû rappeler que «les représentants des médias doivent pouvoir couvrir au plus près des événements tels que la dispersion d’une manifestation, et être notamment en mesure de rendre compte du travail de la police. [Le principe de la proportionnalité] a été gravement violé par la police genevoise.» Une enquête de l’Inspection générale des services (IGS) a été lancée sur ces violences policières présumées.

Sur les ondes de la RTS, le magistrat de tutelle de la police, Mauro Poggia, a pour sa part estimé que les forces de l’ordre avaient agi dans le cadre de «l’Etat de droit qui garantit la propriété privée». Une vision légaliste qui n’a pas toujours été systématique dans le canton. Elle n’est pas si loin l’époque où Genève figurait, proportionnellement, parmi les villes les plus occupées d’Europe. Le mouvement squat s’inscrivait alors dans une lutte généralisée contre la spéculation immobilière, se rendant audible même auprès d’élu·es de droite. Convergence qui accouchera des contrats de confiance. Là où ne pleuvent aujourd’hui plus que les coups de matraque.

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