Une compétition givrée
Des mollets musclés en provenance des quatre coins du pays et même au-delà sont attendus ce week-end. La Chaux-de-Fonds accueille les premiers Championnats du monde d’hiver de coursières et coursiers à vélo. La Suisse a déjà organisé à plusieurs reprises les Championnats du monde, notamment à Lausanne en 2013, mais l’édition d’hiver est un événement inédit.
Adeptes de la petite reine ou professionnel·les de la cyclo-livraison s’affronteront lors d’un slalom sur une pente enneigée, d’une épreuve de luge et bicyclette ou encore d’une course de vélo-cargos dans le stade de la Charrière. Le comité d’organisation promet des fesses gelées, un festival de mains engourdies et une myriade d’événements givrés.
C’est notamment pour faire connaître les conditions de travail des coursiers et coursières à 1000 mètres d’altitude que la coopérative neuchâteloise Cyclone s’est lancée dans l’organisation de cet événement insolite. L’entreprise a lancé ses activités en 2021 en reprenant l’antenne neuchâteloise de Vélocité à Neuchâtel et s’est dans la foulée aussi installée à La Chaux-de-Fonds. «Nous sommes le bureau de cyclo-messagerie le plus haut d’Europe. Nous livrons documents, paquets, colis par tous les temps et roulons sur la glace et la neige», raconte Caroline Thorne, membre du comité d’organisation.
Pneus cloutés et gros gants
Ni les trottoirs gelés ni les tempêtes de neige n’effraient la jeune femme. Coursière depuis cinq ans, elle a effectué des courses en Suède et au Danemark. Elle délivre aujourd’hui des denrées de toutes sortes pour la Cyclone à Neuchâtel et à La Chaux-de-Fonds ainsi que pour son homologue lausannois Vélocité. «Il existe de nombreuses compétitions dans ce domaine, mais elles ont toutes lieu en été. Tout est parti d’une blague. Nous nous sommes dit qu’au lieu d’organiser une simple course sur la neige, nous allions voir les choses en grand et mettre sur pied des Championnats du monde. Nous y travaillons depuis le mois d’août», confie cette passionnée.
Les épreuves classiques ont été hivernalisées avec une note d’humour. Pour cette compétition, un mot d’ordre: sortez vos pneus cloutés pour éviter la chute sur la neige. Après la luge, il s’agira de mettre plein de couches d’habits et de gravir une pente en sprint. Un autre défi sera celui d’organiser les réceptions et de livraisons en enchaînant les check-points de façon stratégique. «Le classement ne se basera pas uniquement sur la vitesse, la performance sera évaluée sur la qualité globale du travail effectué. Les denrées doivent arriver en bon état, les cyclistes doivent être agiles et poli·es pour assurer la qualité de la livraison», relate l’organisatrice. Une équipe de samaritain·es sera présente en cas de chutes.
Environ 150 personnes participeront à la compétition, dont un tiers de femmes. Des cyclistes en provenance de Suisse, de France, d’Allemagne, d’Italie, d’Autriche et même de Hongrie et d’Angleterre sont attendu·es pour expérimenter la joie du vélo en hiver. L’événement se veut populaire et ouvert à tous·tes, pas besoin d’avoir une expérience de cyclo-livraison. «Ce métier est pratiqué un peu partout à travers le globe, mais cela reste une profession assez précaire et les revenus qu’elle procure sont très différents d’un pays à l’autre. C’est pourquoi tout est à prix libre», avance Caroline Thorne. Le comité d’organisation table sur un public de 1000 personnes. Le programme est disponible sur www.wcmwc2023.org mais les inscriptions à la compétition sont déjà fermées.
Désengorger les centres-villes
La coopérative Cyclone a été créée à Neuchâtel par une dizaine de mordu·es de vélo en 2021, dans le but d’offrir une alternative écologique au trafic automobile en ville. Une quinzaine de membres salarié·es livrent documents, paquets, sacs de commissions et d’autres denrées dans le bas et le haut du canton ainsi qu’au niveau national (via le service ferroviaire de Swissconnect), du lundi au samedi. «La livraison à vélo est le moyen le plus rapide en milieu urbain et périurbain», avance Guillaume Uldry, l’un des membres fondateurs. «C’est également un moyen de décongestionner les centres urbains.»
Cette entreprise se veut le contre-pied des grosses plateformes où le personnel de livraison est souvent payé à la course. Chaque salarié·e est membre de la coopérative et influe ainsi sur les décisions. Les coursières et coursiers sont rémunéré·es 21 francs brut de l’heure, peu importe le nombre de livraisons. «Nous souhaitons améliorer les conditions de cette profession», lance le fondateur. Cependant, pour l’instant, le personnel de La Cyclone ne travaille qu’à temps partiel. «Nous avons pour la plupart un autre emploi à côté car nous ne pouvons pas en vivre à 100%», admet-il.
La Cyclone bénéficie d’un soutien des Villes de Neuchâtel et de La Chaux-de-Fonds pour le service de livraison de courses à domicile, dont un tiers est pris en charge par les collectivités. Le reste du tarif est payé par le commerce et les clients. Une offre similaire est disponible dans 26 villes de Suisse, dont Genève, Lausanne, Vevey, Yverdon et Sion. JJT