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K a perdu son procès

Selon Christel Moretto, la justice genevoise a perdu sa dignité dans cette affaire.
Justice 

Après presque six ans d’attente, le verdict du procès qui oppose K à l’ancien Protectas du foyer de l’Étoile qui l’avait assommé a été rendu. K est débouté. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas surpris qu’on n’est pas dégoûtés.

Pourquoi ce verdict? Parce qu’en somme la violence exercée contre K est déclarée proportionnée. Les coups qu’il a reçus, la terreur qui l’a fait tenter de se défenestrer pour s’échapper, le dommage psychologique… la justice vient de lui dire qu’il en était la cause. Pour ainsi dire, qu’il l’avait mérité. Si un tel jugement est possible, c’est parce que le juge a choisi avec soin à qui accorder de la crédibilité ou non, et que considérer comme un doute ou un fait.

Une violence proportionnée au prétexte principal que K aurait été armé. Crédibles, donc, les déclaration des Protectas, qui disent d’abord à plusieurs reprises que K avait en main des ciseaux et un peigne. Lesquels deviendront au fil des besoins une lame de rasoir, puis plusieurs lames, puis un rasoir de barbier, tous absent du constat de police, tous invisibles et dont aucun n’a été retrouvé ni d’ailleurs cherché. Crédibles ces armes opportunes, d’abord oubliées puis réapparues dans les mémoires des agents de sécurité quand les accusations portées contre eux le nécessitaient.

Crédible la menace représentée par l’attitude de K, adolescent frêle, torse et pieds nus, qui est décrit s’élançant sur les agents les poings en avant, puis non, le genou, puis non, le pied. Crédible les autres jeunes présentés comme des émeutiers armés de trottinettes et de chaises, alors que les vidéos les montrent calmes et maîtrisés.

Crédibles encore les déclarations selon lesquels Alireza, qui s’est tué peu après, aurait baissé son pantalon pour montrer ses parties génitales. Et puis non, finalement ce serait K qui l’aurait fait. Crédible alors même que tous ceux qui le connaissent, y compris son éducateur référent, expliquent à quel point c’est invraisemblable.

Crédibles finalement, les agents de Protectas qui nient la perte de connaissance et déclarent avec force détail comment K serait tombé sur les fesses et aurait simulé, alors que le rapport de police le dit inconscient et que la vidéo nous le montre. Crédibles alors que devant l’accusation de non assistance ils expliquent finalement l’avoir mis en PLS et avoir appelé une ambulance.

Le juge n’est revenu dans son jugement sur aucun de ces points. Il a conclu en revanche qu’il n’était pas prouvé que K était inconscient. Il a souligné que d’ailleurs sa version avait varié, puisqu’il n’était plus certain d’avoir été projeté au sol par les poings de l’agent ou par ses mains ouvertes. Les souffrances physiques et psychologiques subies par K? Des «troubles passagers». Pour l’agent de Protectas en revanche, la procédure est un «traumatisme» qui l’a atteint dans sa santé.

L’hospitalisation de K dans un centre médical pour jeunes suicidants? Il allait déjà mal avant.
Tiens, un argument qu’on connaît. Comme pour Alireza H dans une autre procédure. Comme pour Alireza R plus récemment. Aucun des deux n’est plus là pour en parler.

Le doute qui permet au juge de faire ainsi sa cueillette dans les récits qui lui sont faits, ce n’est pas une malheureuse circonstance. Ce doute a été construit par la procédure, les investigations bâclées du Ministère public et sa non-entrée en matière, que le Service de protection des mineurs (SPMI) s’est empressé d’enfouir au fond d’un dossier tout en cachant l’entier de l’affaire au Tribunal de protection de l’enfant.

En plus des 4 agents de sécurité, 10 à 15 jeunes ont assisté à tout ou partie de la scène. L’autorité pénale ne va pourtant en entendre que deux, l’un comme plaignant, l’autre comme prévenu. Quatre ans après les faits, seuls trois jeunes présents ont été entendus.

Christel Moretto, Genève

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