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Indexation «partisane, insultante et irresponsable»

L’indexation salariale partielle du secteur public et parapublic vaudois, fixée à 1,4%, ne passe pas auprès des syndicats. «Le nouveau Conseil d’Etat à majorité de droite a décidé de baisser les salaires réels de la fonction publique!», tempête Anna Herczeg-Brayer, membre du SSP.
Canton de Vaud

La Suisse n’avait plus connu d’inflation significative depuis de nombreuses années (si l’on excepte l’explosion continue des primes d’assurance-maladie, évidemment). Les employeurs ont donc dû réapprendre assez brutalement que l’indexation des salaires est un droit fondamental pour les employé·es, et que toute indexation inférieure au niveau de l’inflation correspond à une baisse salariale. A la fin du mois d’octobre, l’indice des prix à la consommation était calculé par l’Office fédéral de la statistique à 3% (un chiffre lui-même sous-estimé). Du côté des collectivités publiques, les décisions quant à l’indexation des salaires sont donc en train de tomber: 3,5% d’indexation pour le canton de Zurich, 2,55% à Fribourg, 2,44% à Genève, 2,08% dans le Jura. Et dans le canton de Vaud, l’un des plus riches de Suisse? Le Conseil d’Etat a annoncé une indexation de seulement 1,4%. Ce chiffre est une honte, pour plusieurs raisons.

Alors que le canton de Vaud a une fortune telle qu’il a dû payer presque 100 millions de francs en intérêts négatifs lors de la précédente législature, le nouveau Conseil d’Etat à majorité de droite a décidé de baisser les salaires réels de la fonction publique de 1,6%. Lors d’une causerie avec des représentant·es des organisations syndicales le 8 décembre, il a prétendu s’inquiéter de la baisse de la croissance l’an prochain. L’annonce, dans la foulée, de la réduction des salaires de la fonction publique est pourtant une mesure qui va précisément aggraver ce problème. Lorsque le plus gros employeur du canton réduit le revenu réel de ses salarié·es, il n’est pas très difficile de comprendre que cela ne va pas avoir d’effet positif sur la production et la consommation. L’inexpérience d’un Conseil d’Etat fraîchement élu n’excuse pas tout, sa compréhension rudimentaire des mécanismes économiques les plus élémentaires non plus. En réalité, le Conseil d’Etat a pris une décision politique en fixant arbitrairement le taux à 1,4%, et en choisissant de dévaloriser le travail des salarié·es de la fonction publique.

Cette décision est insultante à l’égard de la fonction publique ensuite. Les remerciements du bout des lèvres adressés après l’engagement immense des salarié·es dans le domaine de la santé ou de l’enseignement durant la pandémie passent aujourd’hui pour ce qu’ils étaient réellement: une pure hypocrisie. Au moment des actes, on s’aperçoit que le Conseil d’Etat montre son mépris à l’égard des dizaines de milliers de salarié·es de la fonction publique, qui sauront s’en souvenir le moment venu.

Cette décision montre enfin l’irresponsabilité du Conseil d’Etat dans les relations qui le lient aux organisations syndicales. La loi sur le personnel de l’Etat de Vaud précise que les salaires de la fonction publique doivent être indexés au renchérissement au 1er janvier selon l’indice du mois d’octobre de l’année précédente. En cas d’indexation inférieure, elle précise que le gouvernement doit consulter les syndicats. Le Conseil d’Etat a attendu le 8 décembre pour communiquer sa décision aux organisations représentatives du personnel. L’échange qui a eu lieu ce jour-là ne correspond à aucun sens connu du terme «consultation». Le Conseil d’Etat s’est donc mis lui-même hors-la-loi lors de son premier exercice d’indexation des salaires. Ici aussi, l’inexpérience n’excuse pas tout.

Pour terminer, le retard mis dans la communication de cette baisse des salaires montre soit l’incompétence des services chargés de cette tâche, qui ont eu besoin de plus d’un mois pour déterminer le coût de l’indexation, soit, hypothèse hélas plus probable, l’aveu de la part du Conseil d’Etat que cette baisse salariale est totalement injustifiée. En faisant traîner son annonce, il n’a été guidé dans son action que par l’objectif de retarder autant que possible l’information donnée aux salarié·es et de gêner l’action des syndicats, sachant bien que sa décision n’a strictement aucun fondement. Pour les débutant·es qui le composent, cela augure mal de la suite de leur action au gouvernement.

*Membre du Syndicat des services publics – SSP Vaud

Opinions Agora Anna Herczeg-Brayer Canton de Vaud

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