Prix justes et partage d’énergie
La crise énergétique entraînera selon toute vraisemblance une montée drastique des prix de l’énergie pour 2023. Dans ce contexte, la Grève du Climat a formulé des revendications face à la crise, soulignant l’importance d’assurer des prix justes et équitables pour l’énergie cet hiver. Une proposition serait la mise en place d’un prix progressif à la consommation d’énergie. La part de consommation jugée essentielle (pour se chauffer, avoir de l’eau chaude et cuisiner, par exemple) serait alors gratuite pour tou·tes. Les ménages dépassant cette consommation minimum seraient taxés de manière progressive. Avec une taxe qui augmente drastiquement à mesure que la consommation augmente, cette proposition permettrait de financer la gratuité de la consommation essentielle d’énergie pour tou·tes. Cette taxe permettrait aussi de diminuer la consommation énergétique notoirement élevée des ménages les plus riches, donc d’introduire une certaine sobriété énergétique – sobriété fondamentalement nécessaire dans la cadre d’une transition vers une société plus écologique.
Cette proposition soulève néanmoins des questions. Comment définir une consommation minimum? Quid de la consommation pour des établissements de bureaux, des écoles, etc.? Ces questions sont importantes et nécessitent une réflexion, ainsi qu’une délibération plus globale sur le plan sociétal en lien avec notre consommation d’énergie et ses excès. Une proposition serait par exemple de former dès maintenant une assemblée citoyenne chargée d’y réfléchir.
L’idée de la gratuité de ce qui est nécessaire pour vivre ne doit pas forcément être limitée au secteur de l’énergie et à la crise actuelle. En effet, cette idée s’inscrit dans ce que certain·es économistes appellent les «services de base universels». Imaginés comme alternative ou complément à l’idée du revenu de base inconditionnel, les services de base universels prévoient un renforcement et une généralisation des services publics. Globalement, l’idée serait de fournir gratuitement les services qui permettent de couvrir les besoins essentiels des citoyen·nes et d’assurer leurs droits fondamentaux. Les services proposés recouvriraient des domaines comme l’accès aux soins, à l’éducation, aux services juridiques, au logement, aux transports, à l’information et la garantie de la démocratie. Il ne s’agit cependant pas d’imposer ce catalogue une fois pour toutes, mais de le définir dans le cadre d’une délibération démocratique – par exemple un vote national ou régional.
Pour rendre le processus réellement démocratique, il serait cependant essentiel de sortir de notre démocratie tronquée en élargissant le droit de vote à toutes les personnes qui résident actuellement en Suisse. Les citoyen·nes pourraient par exemple décider que l’accès au logement, entre autres, est un droit fondamental. Cette décision pourrait être mise en œuvre au niveau cantonal ou communal par des coopératives de logement et/ou par la décision de convertir en logements tous les bâtiments actuellement inoccupés. Le rôle de l’Etat dans ce processus serait de fournir les fonds nécessaires à chaque entité locale pour que les besoins et les droits essentiels puissent être couverts. Pour assurer le financement de ces services de base, différentes propositions existent, notamment des taxes sur les entreprises, sur les fortunes ou sur les transactions financières.
Les services de base universels s’inscrivent dans ce que nous pourrions appeler une garantie économique, définie comme un ensemble de mesures permettant à toute personne d’avoir ses besoins essentiels couverts et de bénéficier d’un niveau de vie décent.
Plusieurs raisons justifient l’existence d’une garantie économique dans le cadre d’une transition vers une société juste et écologique. En effet, la transformation de l’économie vers plus de décroissance et de sobriété entraînera certainement la redéfinition de secteurs entiers de l’économie, et par conséquent des modifications importantes au niveau des places de travail. Dans ce contexte, il est nécessaire d’assurer les conditions d’existence pour tou·tes.
Les services de base universels ne sont cependant pas la seule façon de garantir une sécurité économique à tou·tes; en effet il existe d’autres propositions, notamment la garantie d’emploi ou le revenu de base inconditionnel. Ces propositions seront détaillées dans une prochaine chronique.
* www.climatestrike.ch/system-change.