Édito

«On se dirait, ça va trop loin»

«ON SE DIRAIT, ÇA VA TROP LOIN»
Des femmes manifestent pendant une flashmob "Un violador en tu camino" lors de la grève féministe a l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes le dimanche 8 mars 2020 à Lausanne. KEYSTONE/Jean-Christophe Bott
Violence faite aux femmes

«Imagine qu’à la place des femmes qui sont tuées par des hommes, il s’agisse d’employés tués par leurs patrons. L’opinion publique se raidirait davantage. On se dirait, ça va trop loin. On doit pouvoir aller pointer sans risquer d’être étranglé ou criblé de coups ou abattu par balles. C’est quand tu transposes que tu réalises à quel point le féminicide est bien toléré. Les hommes peuvent te tuer», écrit Virginie Despentes dans son dernier ouvrage, Cher connard (2022).

La riposte s’organise pourtant, note Christelle Taraud dans son Histoire mondiale des féminicides (2022). Elle cite la chanson Un violador en tu camino 1>Un violeur sur ton chemin du collectif chilien Lastesis qui s’est répandu de continent en continent, tache d’huile inexorable, donnant lieu à d’innombrables performances et vidéos pour raconter la résistance des femmes contre les violences dont elles sont les cibles. Ce travail de transposition et de sensibilisation, des démarches «artivistes» le mènent de plus en plus. Nous vous en présentons trois – poésie clamée, courts métrages d’animation, théâtre – en cette Journée internationale contre les violences faites aux femmes (p. 3).

Une visibilisation dont la Suisse a bien besoin: dans notre pays, c’est toutes les deux semaines qu’une femme est tuée par son mari, son partenaire, son ex-partenaire, son frère ou son fils, parfois par un inconnu. Certaines survivent à une tentative de féminicide – une chaque semaine –, sans être d’ailleurs tirée d’affaire pour autant.

Depuis longtemps, les milieux féministes et concernés réclament des progrès dans la collecte de données sur les violences, via un observatoire indépendant qui inclut également les personnes LGBTIQA+. Ils déplorent aussi le manque de formation des professionnel·les de la santé, de l’enseignement, de la justice et de la police. Le GREVIO, un groupe d’expert·es du Conseil de l’Europe, a abondé dans leur sens mi-novembre, soulignant en outre le financement insuffisant des programmes et mesures de lutte suisses.

De lents progrès ont lieu: Lausanne vient de lancer un dispositif d’audition des victimes hors les locaux de police (p. 4) Et le soutien financier aux enfants de celles-ci, parfois gravement touché·es, a été augmenté à Genève (p. 5). Au niveau fédéral, la première(!) stratégie nationale en matière d’égalité a été adoptée en avril 2021. Comblera-t-elle peu à peu les lacunes désignées? L’avenir le dira. Le renforcement de la gestion des menaces y est au programme, tout comme la création d’une ligne téléphonique nationale 24h/24 – elle aussi réclamée de longue date par les associations.

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