La droite impose sa réforme fiscale
Saisi d’un projet de loi du Conseil d’Etat visant à réévaluer la valeur des villas et PPE du canton, le Grand Conseil genevois lui a préféré celui de la droite prévoyant certes une hausse de la fiscalité immobilière, mais contrebalancée par une baisse de l’impôt sur la fortune. La gauche a d’ores et déjà annoncé qu’elle ferait recours devant la justice et lancerait un référendum populaire. Compte-rendu d’un débat sous haute tension.
Rapporteur majoritaire, le PLR Alexandre de Senarclens a d’abord rappelé que la dernière évaluation complète du parc immobilier remonte à 1964. Depuis, trois majorations ont été votées par le Grand Conseil, la dernière, de 7%, en 2018. Une situation jugée non conforme à la réalité du marché par le Conseil d’Etat. Il note également une inégalité de traitement entre les nouveaux propriétaires et ceux ayant acquis leur bien dans les années 70, par exemple.
Le gouvernement entendait donc remédier à cette situation, tout en évitant de trop pénaliser les petits propriétaires, en particulier les personnes retraitées au bénéfice de rentes modestes, et ce via des déductions sociales. Son projet devait permettre d’engranger 67 millions de francs supplémentaires par an, selon les derniers chiffres de Nathalie Fontanet, et ce malgré qu’il prévoyait déjà une baisse de l’impôt sur la fortune.
Trop compliqué, a balayé la droite, qui a proposé son propre projet de loi. Celui-ci prévoit une réévaluation de 12% de la valeur des biens, majorée d’une indexation sur le coût de la vie de 1%, mais contrebalancée par une baisse de 15% de l’impôt sur la fortune et un abattement annuel de 4% du loyer théorique. Tout ceci générant une baisse des recettes fiscales de l’ordre de 85 millions par an, selon le Département des finances.
Une «ligne rouge » pour la gauche
Un projet contraire au droit fédéral et problématique sous l’angle de l’égalité de traitement, a pointé Thomas Wenger, rapporteur de minorité. Mais surtout, «la baisse linéaire du taux d’imposition sur la fortune constitue la ligne rouge infranchissable que nous n’accepterons jamais et nous lancerons immédiatement un référendum et une pluie de recours. Au final, la population tranchera», a annoncé le socialiste.
«La droite a inventé un projet dont on sait qu’il n’a aucune chance de passer, ni devant les tribunaux, ni devant le peuple, mais qu’importe, elle cherche l’immobilisme, à faire durer la situation, illégale, le plus longtemps possible», a étayé Jean Batou (Ensemble à Gauche), rapporteur de seconde minorité, évoquant une «arnaque à l’égard des locataires de ce canton». «Il faudra leur expliquer comment une réévaluation fiscale va déboucher sur une perte de 100 millions pour Etat.»
«Un bien peut être vendu entre 5 et 10 fois sa valeur fiscale. Une réévaluation de 12% est largement insuffisante et continue à produire une sous-évaluation du parc immobilier», a renchéri le Vert Pierre Eckert, rapporteur de troisième minorité. Selon lui, les petits propriétaires, quel que soit le projet de loi, connaîtront un statu quo.
Illusionnisme contre supercherie
«Vous êtes dans l’illusionnisme le plus complet», a rétorqué Yvan Zweifel, évoquant un «matraquage des petits propriétaires»: «Leur fortune va augmenter, mais ils n’encaisseront rien de plus et devront vendre leurs biens aux gros propriétaires et aux promoteurs», a prophétisé l’élu PLR. L’impôt imaginé par le Conseil d’Etat «est tellement insupportable qu’on a imaginé des mesures d’accompagnement pour éviter de contraindre les personnes âgées à quitter leur logement», a ajouté son collègue de parti Cyril Aellen. La députée Françoise Sapin a, elle, évoqué la volonté du MCG de «favoriser l’accès à la propriété pour la classe moyenne et pour éviter que les résidents n’aillent acquérir des biens en France».
Pour Sylvain Thévoz (PS), il s’agit d’une «vaste supercherie»: «La droite essaie d’attribuer à la gauche un projet de loi rédigé par Nathalie Fontanet. Un tour de passe-passe où l’on part d’une réévaluation de l’immobilier et on arrive à une baisse de la fiscalité pour les riches!»
Décision de la majorité
Constatant que les dés étaient pipés, Nathalie Fontanet a «pris acte» de la décision de la majorité. Non sans relever qu’il est problématique que cette réforme non seulement ne rapporte pas 67 millions, mais surtout qu’elle ne soit «même pas neutre»: «Il s’agit d’une baisse d’impôts importante qui pose problème au Conseil d’Etat.» Son département reste convaincu que le projet n’est pas conforme au cadre légal. «La minorité du Grand Conseil a d’ores et déjà annoncé recours et référendum, finalement la population aura le dernier mot.» Au vote, le projet de loi du Conseil d’Etat a été balayé. Celui de la droite a été accepté par 56 voix pour contre 40 voix contre.