Quelle humiliation de devoir offrir aux regards de l’administration helvétique ou de ses éventuels sous-traitants privés l’état de son compte bancaire lors d’une demande de visa d’entrée en Suisse en faveur d’un membre de sa famille ou de ses amis, qui n’appartiendraient pas à la zone euro ou au monde occidental!
Pourquoi me demande-t-on cela? A quel titre? Je suis Suisse. Garant de ces personnes. Depuis plus d’un demi-siècle, ma famille contribue au bien-être de notre fantastique mosaïque. Je me suis intégré et même assimilé; je remplis mes devoirs de citoyen. Que dois-je envier à celles et ceux qui se sont installé·es à Genève depuis un, deux, trois siècles? Leur «occidentalité»? Pourquoi une telle inégalité?
L’Union européenne, pourtant décriée en Suisse, est-elle si particulière que cela? Erythréens, Libanais, Ukrainiens ou Français, Portugais, Italiens, nous sommes tous et toutes des êtres humains, capables de nous sublimer pour Genève et les valeurs qu’elle défend.
Mes récents écrits m’ont donné l’occasion de rencontrer, au cours des trois dernières années, des personnes venues des quatre coins de la planète. Des personnes éreintées par les vicissitudes de la vie. Des personnes heureuses de s’abriter et de s’intégrer à Genève. De lui appartenir. Des femmes et des hommes qui ont tout quitté par désespoir… guidés par l’espérance. Qui sont aussi venues par amour, pour des raisons professionnelles ou encore pour construire un projet que seule Genève pouvait concrétiser de par son multiculturalisme apaisé et son extraordinaire dimension internationale.
Ensemble, nous construisons un avenir commun. Ensemble, nous en cueillerons les fruits. Ensemble. Qu’elles que soient nos origines, nous avançons ensemble. Alors, quelle est donc cette injustice? Cette aberration? L’égalité, n’est-ce pas ce que la Suisse promet? N’est-ce pas le minimum que nous devrions tous et toutes promettre très concrètement à nos enfants? A nos semblables? N’est-ce pas le sens que nous devrions donner au projet humain? Pourquoi chercher à diviser ce qui ne doit pas l’être? A ce qui s’est uni? La Suisse est, certes, multiple, mais elle est une!
Mon vœu le plus cher est que nous arrêtions de diviser, de saucissonner notre société en groupes sociaux, en pensées politiques, en catégories d’âge, de sexes, de professions. En pays d’origine! En poids et mesures qui n’auraient pas la même valeur. Au risque de faire échouer notre volonté de vivre ensemble.
Alors, catégoriquement, je rejette cette humiliation et appelle notre Conseil fédéral, nos autorités, nos élu·es, nos élites à réfléchir et à agir en conséquence. A donner la même importance à nos vis-à-vis que celle qu’ils et elles souhaitent recevoir.