L’architecte au grand cœur s’en est allé
Le canton de Vaud et le monde ont perdu une personnalité attachante, un scientifique brillant et un militant passionné. François Iselin s’est éteint le 11 octobre à l’âge de 82 ans. Connu en particulier pour son travail sur l’amiante et son engagement au sein du Comité d’aide et d’orientation des victimes de la fibre toxique (Caova), le bouillant architecte et ancien enseignant à l’ l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) était de toutes les luttes. Antinucléaire, syndicalisme, solidarité avec la Palestine, droit d’asile, architecture durable, on ne peut compter ses engagements.
Né à Bévieux (Vaud), il n’y restera que jusqu’à l’âge de 9 ans. Ses parents migrent alors avec lui en Uruguay où il fait ses classes au Collège jésuite de Montevideo. «L’Uruguay c’est mon pays! La vie y était plus créative, conviviale et solidaire!», s’enthousiasmait ce Franco-Suisse en 2008 dans les colonnes de l’Evénement syndical qui lui avait consacré un portrait de notre plume.1>Edition du 1er octobre 2008.
De retour en Suisse à l’âge de 21 ans, il étudie l’architecture à l’EPFL où il se sent à l’étroit, puis discriminé en tant que professeur en raison de ses engagements politiques. «Je suis resté bloqué avec des contrats à durée déterminée pendant quinze ans», confiait-il à 24 heures. Dans les années 1960, il s’était approché du Parti ouvrier populaire, puis de la Ligue marxiste révolutionnaire, avant de militer au Syndicat du bois et du bâtiment. «Avec les copains, on ne supportait pas que les ouvriers souffrent et meurent sur les chantiers. On considérait aussi que les maçons savaient mieux construire que les architectes», déclarait-il.
Inventeur et poète
Expert en matériaux à l’EPFL, François Iselin sera l’une des principales chevilles ouvrières de la lutte contre l’amiante qu’il contribue à faire interdire en Suisse en 1989. Il s’engage ensuite auprès des ouvriers malades d’avoir été exposés à la fibre cancérigène utilisée dans l’isolation. Son association, le Caova, créée au début des années 2000, a aidé d’innombrables victimes et leurs familles à obtenir justice et réparation, non sans mal. L’expert avait témoigné aux procès de Turin à l’issue desquels l’héritier et milliardaire suisse Stephan Schmidheiny, ex-patron d’Eternit, a été condamné à plusieurs années de prison pour homicide involontaire contre des victimes de l’amiante.
Imaginatif, François Iselin était également inventeur – il avait notamment conçu une maison écologique – poète, essayiste et romancier.2>Lire en particulier: Partir de zéro, journal d’un rescapé, éditions d’en bas, 2010.
Notes