Édito

Electricité: les apprentis-sorciers

Electricité: les apprentis-sorciers
Plusieurs municipalités genevoises se sont fournies en électricité sur des marchés spéculatifs et en paient aujourd'hui l'addition. KEYSTONE
Energie

Plusieurs municipalités genevoises ou régies publiques font la grimace. Comme l’a relevé La Tribune de Genève, elles ont commis la coûteuse erreur de se fournir en électricité sur le marché libéralisé plutôt que sur celui régulé. Une possibilité qui est offerte aux gros consommateurs depuis l’adoption en 2007 par les Chambres fédérales de la Loi sur l’approvisionnement en électricité (LApEl). Pendant plusieurs années, cela a permis à ces collectivités publiques de réaliser des économies; mais avec l’envol des prix, cet avantage sera mangé en quelques mois seulement.

Savoir qui a pris cette inepte décision d’aller sur le marché spéculatif reste enveloppé d’un nuage de mystère. On peut d’ailleurs poser la question de sa conformité avec le droit supérieur, à savoir la Constitution genevoise. Acheter du courant bradé, c’est encourir le risque d’acquérir du kilowatt électronucléaire. Ou issu de centrales au charbon, ce qui est problématique en termes de lutte contre le réchauffement climatique.

Que des municipalités, de gauche de surcroît, aient cédé aux sirènes du marché pour réaliser quelques économies mérite une enquête. Des manquements sont à pointer. Le fait que tout cela a été réalisé en catimini montre bien qu’une certaine mauvaise conscience était de mise. On eut été en droit d’attendre une certaine exemplarité de ces acteurs publics consistant à se fournir en courant durable, certes plus cher, mais qui aurait assuré un débouché à une époque où nos barrages, trop chers dans ce marché libéralisé, menaçaient de partir en faillite.

On entend des gémissements, maintenant que la douloureuse est présentée et qu’elle va plomber pour des années les budgets. On rappellera que cette libéralisation voulue par la droite patronale a été imposée au bas peuple par une caste politique se serrant les coudes. En 2002, la seule fois où la question a été posée au Souverain avec la Loi sur le marché de l’électricité (LME), celui-ci a refusé cette libéralisation.

Comme il se doit, l’ouvrage a ensuite été remis sur le métier avec deux ou trois susucres pour le solaire et, illico presto, la bureaucratie syndicale, politique et environnementale des partis de gauche a soutenu le dispositif de la LApEl plutôt que de lancer un nouveau référendum.

Nous payons aujourd’hui cette crasse inconséquence. Celles et ceux qui versent des larmes de crocodiles feraient bien de s’en souvenir. Comme pour la privatisation de La Poste, la libéralisation du marché de l’électricité portait en elle ces dérives. Qu’ensuite certaines et certains aux Exécutifs se soient sentis pousser des ailes de boursicoteur·euses du kilowatt n’est que la cerise sur cet indigeste gâteau.

Opinions Édito Philippe Bach Energie

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