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«Le bio n’est pas le problème, mais une partie de la solution»

Les récentes déclarations du patron de Syngenta, Erik Fyrwald, selon lesquelles l’agriculture bio n’est pas adaptée à la lutte contre la faim ont eu un fort retentissement médiatique et sur les réseaux sociaux. Sous la plume de Sarah Mader, experte en agroécologie, l’ONG Swissaid s’oppose aux arguments de l’agrobusinessman.
«Le bio n’est pas le problème, mais une partie de la solution»
Erik Fyrwald, CEO de Syngenta. KEYSTONE
Réaction

Consommer des produits issus de l’agriculture biologique aurait pour «conséquence indirecte que des gens meurent de faim en Afrique» 1>NZZ am Sonntag, 8 mai 2022., estime Erik Fyrwald, patron du géant des pesticides Syngenta. Sa solution pour résoudre la crise alimentaire qui ébranle la planète? Tout bonnement renoncer au bio et miser sur les nouvelles technologiques génétiques ainsi que les pesticides pour améliorer les rendements des cultures.

N’écoutons pas les voix de l’agrobusiness, elles ont déjà montré leurs limites. Plus de 800 millions de personnes souffrent encore de la faim dans le monde et l’agriculture industrielle ne parvient pas à remédier à cette situation. Elle détruit en outre la biodiversité et les sols qui se meurent sous nos yeux. En un siècle, 75% des variétés de plantes ont ainsi disparu, notamment en raison de l’utilisation de pesticides. Ces mêmes pesticides qui intoxiquent celles et ceux qui les utilisent.

Autre page qu’il est temps de tourner: celle des biocarburants qui accaparent d’importantes surfaces agricoles alors qu’une partie de la planète ne parvient pas à se nourrir au quotidien. Un chiffre? L’Europe transforme encore 10 000 tonnes de blé, soit l’équivalent de 15 millions de miches de pain de 750 grammes, en éthanol chaque jour, selon une récente étude de l’ONG Transport & Environment.

Virage à 180 degrés. Pour renforcer la sécurité alimentaire mondiale et plus particulièrement celle des pays pauvres au Sud, il est nécessaire de s’éloigner du système agroalimentaire actuel. Chez Swissaid, nous avons pris le parti, il y a plusieurs années, de nous tourner vers l’agroécologie.

L’agroécologie renforce une production agricole de proximité et diversifiée, mise sur des ressources locales comme les semences paysannes, des biopesticides ainsi que sur les interactions entre les plantes et les insectes pour lutter contre les nuisibles. L’agroécologie fonctionne! Elle améliore la résilience au changement climatique, enrichit la biodiversité et permet aux familles paysannes de sortir de leur dépendance aux semences industrielles et aux engrais chimiques.

Pour assurer l’accès à l’alimentation pour toutes et tous, il est aussi question de réduire notre dépendance à des denrées alimentaires de base comme le blé, le maïs ou le riz, et de parallèlement favoriser des cultures plus adaptées aux conditions climatiques locales. Dans plusieurs pays d’Afrique, nos projets mettent par exemple l’accent sur les légumineuses et le mil, plus adaptés au climat chaud, riches nutritivement et peu gourmands en eau.
Depuis des millénaires, les petit·es paysan·nes sont à la source de notre alimentation.

Aujourd’hui encore, ils et elles nourrissent 70% de l’humanité et utilisent pour ce faire 30% des ressources naturelles 2> www.etcgroup.org/content/who-will-feed-us-industrial-food-chain-vs-peasant-food-web . La sécurité alimentaire mondiale ne peut être atteinte qu’en travaillant à leurs côtés, en abandonnant l’agriculture industrielle et en œuvrant à une véritable transformation des systèmes agricoles et alimentaires.

* Responsable de l’agroécologie et des programmes en Guinée-Bissau chez Swissaid.

Opinions Agora Sarah Mader Réaction

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