Genève

Thônex résistante, pan d’histoire méconnu

La commune de Thônex inaugure un chemin mémoriel consacré à la Seconde Guerre mondiale. Dramatiques ou anecdotiques, les récits se font écho le long de la frontière du Foron.
Thônex résistante, pan d’histoire mé-connu
Onze bornes renseignent les promeneurs et les promeneuses. Cédric Vincensini
Mémoire

Le long du Foron s’écoulent les souvenirs. De ces petites histoires d’illustres inconnu·es qui, au fil de la disparition de leurs contemporain<\!p>·es, sont vouées à être oubliées. Pour lutter contre cette irrémédiable amnésie, un chemin mémoriel consacré à la Seconde Guerre mondiale a vu le jour sous l’impulsion de la commune de Thônex. A la frontière entre Suisse et France, à proximité du cours d’eau qui fait office de limite, onze bornes renseignent désormais les promeneurs et promeneuses sur la vie d’alors dans la région, les héros et héroïnes locales et les vestiges de leur résistance. Un pont entre passé et présent, mais aussi entre Suisse et France, à la découverte d’une histoire commune méconnue.

Passages clandestins

«La grande Histoire n’est jamais faite que d’accumulation de micro-histoires», se plaît à résumer Claire Luchetta, ancienne députée et historienne amatrice éclairée. C’est elle qui dans les archives communales, cantonales et fédérales est partie à la recherche d’Angèle Beffy, du curé Desclouds, de Marguerite Hediger… Ces gens du cru qui ont en commun d’avoir franchi illégalement le Foron pour fuir des représailles ou aidé les persécuté·es à traverser. Le cheminement mémoriel raconte l’engagement des un·es, la fuite des autres, et livre multitude d’anecdotes sur ces passages clandestins d’hommes, de femmes et d’enfants.

Au-delà du drame humain, la fermeture des frontières pendant la Seconde Guerre mondiale complique aussi drastiquement la vie des citoyen·nes de part et d’autre, pour qui la frontière n’était jusqu’alors que toute relative. La contrebande de sucre, de tabac et de petits oignons fait recette, mais pour les familles paysannes c’est un coup dur. Une partie des pâturages communaux et des champs cultivés se retrouvent hors d’atteinte, car ils se trouvent indistinctement de part et d’autre de la frontière. Une unité de fait que le maire actuel de la commune de Thônex, le libéral-radical Marc Kilcher, aime rappeler: «Cette histoire dit beaucoup de la réalité de notre commune, et illustre que les liens humains sont plus forts que les frontières.»

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Le maire de Thônex, Marc Kilcher, et l’ancienne députée Claire Luchetta. Cédric Vincensini

C’est sur son impulsion qu’est née l’idée de ce parcours. «Nous vivons progressivement la disparition de toute une génération d’habitants qui ont vécu la guerre, et avec eux se perd un pan de mémoire. Alors que Thônex s’agrandit énormément, il est particulièrement important de cultiver un lien avec notre passé et de rendre cette histoire également accessible aux nouveaux habitants qui n’en connaissent rien», souligne le maire.

Au fil du Foron

Le parcours débute à Pierre-à-Bochet, l’un des cinq postes de douane de la commune – qui possède le record suisse en la matière! Le cheminement, dont la signalisation reste à parfaire, s’éloigne parfois du Foron pour rappeler par exemple l’existence de l’ancienne ligne de chemin de fer Annemasse – Eaux-Vives, remplacée désormais par le Léman Express. Mais le fil rouge reste le cours d’eau, frontière physique et politique bien que, et c’est inhabituel, la démarcation exacte ne se situe pas au milieu de son cours mais au sommet de la berge suisse. Une difficulté supplémentaire pour celles et ceux amené·es à le traverser clandestinement.

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Sentier mémoriel Thônex avec Claire Luchetta qui a écrit les textes présentés sur les bornes. Cédric Vincensini

On découvre au fil des pas les vestiges patrimoniaux de la commune, comme l’étonnante maison Gubier dont l’entrée principale est sise en France, mais la porte arrière en Suisse. Son usage durant la guerre était tout trouvé. Plus loin, dans le préservé hameau de Fossard, se raconte le sauvetage d’une vingtaine d’enfants juifs et juives qu’un douanier tira de l’eau transi·es de froid. Un acte qui faillit le conduire tout droit au Tribunal militaire. Le plus souvent, les emplacements géographiques des bornes sont à prendre comme des symboles, car ces milliers de passages clandestins n’ont pas laissé de trace indélébile sur le territoire. Un tort que le chemin mémoriel s’efforce de réparer.

Démarche en cours

«Ce n’est qu’une première étape. Maintenant, il faut que ce chemin vive», espère Marc Kilcher. Un projet pédagogique est en cours de création pour permettre aux écoles de la commune de s’approprier cet héritage. Une association mémorielle sera également chargée de récolter les traces du passé auprès des habitant·es: photographies ou vieux carnets privés seront valorisés.

L’ambition porte au-delà de Thônex. Pourquoi pas poursuivre le chemin le long de la frontière, et notamment direction Veyrier? L’appel aux autres communes est lancé.

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