Genève

Le directeur de Quai 9 licencié

En poste depuis octobre 2018, il a été remercié en début d’année. En cause, des divergences avec le comité de Première ligne, l’association qui chapeaute ce lieu d’accueil pour consommateurs de drogues. Il conteste sa mise à pied.
Le directeur de Quai 9 licencié
Au mois d’avril, un directeur ad intérim à 60%, Thomas Herquel, a été nommé pour pallier la vacance du poste. KEYSTONE/Martial Trezzini
Addictions

Jusqu’alors directeur de Quai 9, structure de réduction des risques liés aux drogues et installée à Genève depuis maintenant 20 ans, Serge Longère a été licencié en janvier par le comité de l’association Première ligne, qui chapeaute ce lieu, a appris Le Courrier.  Il était en poste depuis octobre 2018.

Le motif ? Des désaccords profonds sur la manière de gérer la structure, raconte un ancien membre du comité. Il est notamment reproché à Serge Longère d’avoir systématiquement court-circuité le dit comité, organe de tutelle de Quai 9, lors d’engagements ou de licenciements, par exemple.

Une politique du fait accompli qui a finit par exaspérer l’organe de supervision de Première ligne, mis régulièrement sur la touche et réduit à un simple rôle de chambre d’enregistrement, selon des témoignages recueillis. Une situation qui perdurait depuis un bon moment, semble t-il.

Interrogé, le comité de Première ligne confirme le licenciement, mais ne tient pas à commenter plus avant cette décision «mûrement réfléchie».

A noter qu’un nouveau comité a été élu lors d’une assemblée générale extraordinaire le 22 avril. Entre départs et démissions – dont la présidente du comité qui n’a pas souhaité se représenter – près de 80% des membres ont été renouvelés.

Démarche «peu constructive»

Malgré d’excellentes compétences, avérées et reconnues, il est reproché, en creux, à l’ex directeur de n’avoir pas su – ou voulu – se départir d’une démarche militante. «Alors que ce poste de direction exige plutôt d’adopter la culture du consensus et du partenariat», explique un membre de l’équipe.

Il est aussi reproché à Serge Longère d’avoir supprimé des réunions de coordination, avec les services de police notamment. Une démarche jugée peu constructive et en opposition avec son cahier des charges.

Joint par téléphone, Serge Longère, actuellement en arrêt maladie, tout comme la codirectrice de Quai 9, conteste avec véhémence les motifs de son licenciement. Et se dit très touché par cette situation. « C’est comme cela que finisse les lanceurs d’alerte, se récrie-t-il. Je gênais. » Vraiment ? L’ex-directeur indique qu’il aurait dénoncé au comité des cas de maltraitance «de collaborateurs sur des usagers et sur des collègues. Je n’ai pas été soutenu».

Serge Longère indique également qu’il avait demandé un audit de Quai 9. Sans résultat, selon lui. «J’avais dénoncé ses violences institutionnelles en septembre 2021 déjà. Sans succès là non plus. Nous n’étions manifestement pas dans le même état d’esprit avec le précédent comité. Mais Je suis fier de mon bilan et droit dans mes bottes », conclut l’ex-directeur.

Nonobstant une situation pour le moins tendue, Serge Longère, tout comme le comité de Première ligne d’ailleurs, se disent prêt à une solution négociée et honorable pour mettre un terme à cette fâcheuse histoire.

Directeur ad interim

Et maintenant, quid de la suite ? Au mois d’avril, un directeur ad intérim à 60% a été nommé pour pallier la vacance du poste. Thomas Herquel, le nouveau directeur jusqu’à la fin de l’année, connaît bien la maison. Il a été en effet président du comité de Première ligne de 2015 à 2019.

Mission lui a été confiée de ramener un peu de sérénité au sein de Quai 9, avant l’engagement d’ici la fin de l’année d’un nouveau ou d’une nouvelle responsable. Et d’assurer la continuité des prestations. L’équipe de Première ligne – Quai 9, Pôle de valorisation sociale et Nuit blanche – comprend une cinquantaine de collaboratrices et collaborateurs pour un budget avoisinant les trois millions.

Thomas Herquel tient à souligner que malgré ce licenciement la structure poursuit sereinement son travail. « Je suis particulièrement impressionné par le professionnalisme de l’équipe, souligne t-il. Et nous bénéficions du large soutien du réseau dans cette crise passagère».

Pour l’aider dans sa tâche, l’ancienne directrice Martine Baudin ainsi que Christophe Mani, un des instigateurs du lieu et son premier directeur, participent bénévolement au bon fonctionnement de la structure.

Cette histoire est-elle révélatrice des limites de l’associatif, avec des membres du comité bénévoles? « La question se pose, estime Thomas Herquel. Lorsque tout va bien, les membres du comité sont à 10-15%. En cas de crise ou d’enjeu important cela peut vite monter à 50%. Ce n’est pas tenable et ce n’est plus du bénévolat».

Suite à cette crise, des pistes sont donc en exploration. Comme une transition du statut d’association à celui de fondation de droit publique. « Ce n’est pour l’instant clairement pas la priorité, mais c’est une sérieuse piste de réflexion qui sera menée par le nouveau comité », poursuit le directeur ad intérim. Cela ne changera rien au mandat de Première ligne, mais devrait amener un supplément de professionnalisme».

La consommation de crack explose

Quai 9 doit faire face depuis l‘année dernière à un nouveau phénomène: la  consommation de crack. Une drogue dévastatrice à base de cocaïne coupée avec de l’ammoniaque ou du bicarbonate de soude, pour permettre de la fumer. Une consommation inédite à Genève alors que ce stupéfiant existe depuis les années 70. Un «caillou» de crack se vend dans la rue de 10 à 15 francs, ce qui le rend plus accessible. Avec son cortège de problèmes: une consommation compulsive, une dégradation rapide de l’état de santé des consommateurs et consommatrices, et des excès de violence. MLE

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