CO22, la panacée?
Ayant dirigé durant plus de vingt-et-un ans un collège du Cycle d’orientation, j’ai eu le privilège de participer à l’élaboration et la mise en place des deux réformes majeures en 2000 et en 2011 (nCO).
C’est la question des élèves en difficulté qui a conduit à la première de ces réformes.
Pour faire court, en 2000, les moyens nécessaires pour la différenciation destinée à soutenir les élèves, notamment en difficulté, n’ont pas été octroyés, pervertissant ainsi la nouvelle structure mise en place. Afin d’éviter cet écueil financier pour le nCO de 2011, le projet de loi annonçait qu’un financement de 32 millions supplémentaires serait nécessaire. Ce «surcoût» ne faisait, en fait, que redonner au Cycle d’orientation les moyens par élève du début des années nonante.
La première tranche fût accordée, la deuxième le fût partiellement et la troisième pas du tout. Les restrictions budgétaires des années suivantes ont peu à peu fait fondre les moyens octroyés. Et, comme par hasard, on constate que cette structure, ressemblant à celle d’autrefois, présente des écueils similaires…
Alors CO22? Des classes mixtes? Certes, cela éviterait les ségrégations, voire les transferts d’élèves, notamment les plus fragiles, dans d’autres collèges.
Mais offrir, dans le même temps, un parcours accéléré en deux ans va dans une direction contraire, privant les classes des meilleurs élèves qui pourraient y jouer un rôle majeur et sans tenir compte, qu’au-delà des notes, le parcours scolaire est aussi une question de maturité acquise année après année. Il semble donc surprenant, pour une réforme qui cherche à regrouper les élèves, d’institutionnaliser la séparation des meilleurs…!!
Les bons élèves s’en sortiront toujours quelle que soit la structure. Pour les autres, avec deux niveaux dans la classe, les élèves faibles risquent fort de ressentir, au sein même de la classe, cette dévalorisation démotivante qu’on recherche à supprimer ou au mieux à minimiser.
Certes, l’art.77 du CO22 évoque brièvement la question de leur soutien, mais si les moyens nécessaires ne sont pas garantis, il s’agira d’un nouvel échec. La deuxième condition est celle du «génie local». C’est au niveau de l’établissement que peut s’exprimer toute la créativité pédagogique possible, pour autant qu’on puisse disposer d’une marge de manœuvre et bénéficier de la confiance nécessaire à accorder aux professionnels du terrain. L’Institution, dans sa volonté manifeste de vouloir tout règlementer de manière centrale et dans les moindres détails, entrave cette créativité. L’enseignement travaille avec du «vivant» et la vie ne se laisse pas enfermer dans des cases, a fortiori de plus en plus étroites.
En outre, si la bienveillance envers les élèves les aide à se renforcer, tant dans leurs apprentissages que pour leur développement personnel, la bienveillance interne au sein de l’Institution devrait aussi pouvoir être ressentie pour un bon fonctionnement de l’école, à tous points de vue.
Les profs ne sont pas des prestataires de services mais évoluent dans un contexte de relations. C’est du reste l’essence de leur métier. Ne parle-t-on pas de la «relation pédagogique»? C’est de cette relation-là que dépend la réussite des élèves, de tous les élèves. Si elle est importante pour tous, elle est essentielle pour ceux en difficulté. C’est cet aspect qualitatif, fort peu mis en évidence dans le projet CO22, qui restera à travailler en profondeur, avec peut-être, c’est en tout cas une piste à creuser, davantage de co-enseignement au sein des classes.
A défaut, et sans les moyens nécessaires, l’échec institutionnel ne pourra que se répéter…
Frank Burnand est l’ancien directeur du Collège des Colombières, à Versoix (GE).