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Et les enfants dans tout ça?

À votre santé!

On entend souvent des phrases telles que «les enfants sont le bien le plus précieux», «c’est toute ma vie», «je veux pour eux une vie meilleure que la mienne»… ou encore, pour les plus néolibéraux, «c’est un bon investissement»! Il y a bien celles et ceux qui pensent surtout qu’un enfant, ça coûte cher – un bon quart de million de francs1>S. Jabert, «Pour élever deux enfants en Suisse, comptez au minimum un demi-million de francs», swissinfo.ch, 12 novembre 2019. – mais heureusement ils et elles sont minoritaires. Pourtant, franchement, ces temps-ci, j’ai de la peine à croire que le sort des enfants de ce monde préoccupe beaucoup nos décideurs et la société des adultes en général. Et s’est-on penché sur les répercussions des décisions prises, ici et ailleurs, sur leur santé physique et psychique, sur l’harmonie de leur développement? Quels exemples d’adultes voient-ils, à un moment de leur vie où l’apprentissage se fait beaucoup par imitation?

Alors, en vrac et en patchwork, de manière un peu décousue, témoignant de la peine que j’ai à trouver une cohérence dans la situation confuse que l’on vit maintenant, je livre quelques exemples, proches ou lointains.

Au moins 20 millions de personnes font face à un risque de famine cette année en raison de la sécheresse qui s’aggrave au Kenya, en Somalie et en Ethiopie, nous rappelait cette semaine le Programme alimentaire mondial (PAM). De plus, ces populations subissent les effets de conflits, de la pauvreté et d’une invasion de criquets, rajoutait l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Les plus vulnérables sont les enfants et les femmes enceintes, bien sûr. Mais les fonds d’aide à ces populations victimes de la folie de notre monde manquent!

Ces derniers jours encore, on nous rappelait que les populations d’insectes diminuent rapidement, selon une étude2>C. L. Outhwaite, P. McCann, T. Newbold, «Agriculture and climate change are reshaping insect biodiversity worldwide», Nature, 20 April 2022, www.nature.com/articles/s41586-022-04644-x publiée par la revue Nature qui s’inquiète des conséquences pour la pollinisation des cultures. Et qui vient souligner que 115 cultures principales destinées à l’alimentation humaine en dépendent. Les causes de cette extinction des insectes – et de la biodiversité mondiale – en cours sont désormais connues: ce sont majoritairement les pratiques agricoles industrielles basées sur l’utilisation de produits chimiques, couplées à la surexploitation des ressources naturelles. Quid pour nos enfants?

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a beau nous rappeler qu’il n’y a plus de temps à perdre, cela n’est pas prioritaire dans le calendrier politique!

Au Yémen, déchiré depuis 2014 par une guerre civile instrumentalisée par l’Arabie Saoudite et l’Iran (et ceux qui derrière…), quasiment tous les enfants ont besoin d’aide humanitaire, selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef), et l’ONU disait en mars dernier chercher 4,3 milliards de dollars pour éviter une famine!

Que dire de l’invasion de l’Ukraine qui ramène l’horreur à nos portes: plus de 5 millions de personnes ont fui à l’étranger et si l’on compte les quelque 7 millions de déplacé·es internes, c’est plus d’un quart de la population qui a quitté son chez-soi. Et autant de familles déchirées, puisque les hommes n’ont pas eu le droit de sortir. Qu’est-ce que signifie pour un enfant cette séparation forcée, sans parler des traumatismes vécus avant de partir? (A relever au passage l’image très genrée sur rôles entre adultes qui est véhiculée: «Papa reste au pays pour défendre le pays (?) et maman part avec moi pour protéger la famille».)

Que dire des carences alimentaires pour les personnes restées sur place, mais aussi des pénuries que cette guerre entraîne, sachant que l’Ukraine est un exportateur important entre autres de blé et d’huile, que les prix de ces denrées ont augmenté (au grand bonheur des spéculateurs) et que beaucoup de pays, en particulier d’Afrique du Nord, grande importatrice de ces denrées, risquent de voir leurs populations très fragilisées.

J’ai déjà parlé de tous les programmes verticaux de vaccinations, des suivis de croissance et de développement des enfants stoppés ou rendus plus aléatoires à cause de la crise sanitaire et de la fragilité psychique des jeunes qui s’est aggravée ces deux dernières années. Les enfants ont payé un lourd tribut à pandémie, qui pourtant ne les affectait pas directement.

Et si, à chaque décision, on pensait d’abord à nos enfants et petits-enfants, ne serions-nous pas plus sages et inspiré·es? Car les solutions existent!

Et je me rappelle cette phrase que Jean Ziegler a cent fois répétée: «Un enfant qui meurt de faim est un enfant assassiné.»

C’est à un sursaut de civilisation qu’il faut travailler et Extinction Rebellion nous y invite à sa manière: la maison humaine brûle!

Notes[+]

Pédiatre FMH et conseiller communal à Aigle.

Opinions Bernard Borel A votre santé!

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lundi 8 janvier 2018

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