Une petite tente, dressée à proximité des rails de train, dont le motif à coccinelles détonne avec la neige environnante. Une vision qui pourrait sortir d’un reportage sur la guerre en Ukraine. Mais le drame humain dont elle témoigne n’a rien d’étranger. A Genève, au matin du vendredi 1er avril, 200 personnes ont été remises à la rue après la fermeture des abris d’urgence hivernaux. Un drame dénoncé chaque printemps par les associations d’entraide qui militent pour un accueil digne tout au long de l’année.
Pas les moyens? L’argument revient en boucle pour justifier une politique «du thermomètre», qui limite la lutte contre l’extrême précarité à la saison hivernale. Ironie du sort, les frimas ont de moins en moins de calendrier, livrant des hommes, des femmes et des enfants à la rue dans la froideur d’un week-end qui n’avait rien de printanier. Des enfants, oui, car même si le dispositif d’accueil des familles se veut actif à l’année, la limite de ses capacités ne permet guère de répondre à l’ensemble des besoins.
A qui la faute? Le Conseil d’Etat renvoie la balle aux communes, à qui revient intégralement la responsabilité de l’hébergement d’urgence selon la loi cantonale votée en septembre 2021. Mais la Ville de Genève se retrouve bien seule, demandant vainement depuis des années qu’une clé de répartition financière contraignante entre les municipalités voie le jour, sans quoi la loi n’est qu’une coquille vide. Les autres communes ont versé cette année un million de francs à la Ville – cotisation qui devrait être renouvelée. Pour le reste, elles s’en lavent les mains: loin des yeux, loin du cœur. Indécent, alors qu’en parallèle le canton annonce un milliard de revenus fiscaux tombés du ciel et que les comptes de nombreuses communes affichent des excédents à faire démentir la crise.
Le conseiller d’Etat Thierry Apothéloz communiquait ce week-end, sur les réseaux sociaux, que son département proposera au gouvernement de «répondre aux besoins des associations en faisant une avance et la facture de ces prestations communales sera envoyée en bonne et due forme aux 45 communes, à moins qu’elles se décident immédiatement à exercer cette compétence qui est la leur». Une lueur d’espoir pour celles et ceux qui ont replanté la tente. Mais un réveil qui vient, une nouvelle fois, bien tard, alors que plusieurs structures ont fermé vendredi et que le personnel dédié est démobilisé. En l’attente d’une concrétisation, les associations se démènent pour offrir une couverture, un sac de couchage ou un repas chaud. Une solidarité dans l’urgence qui réchauffe un peu les corps, beaucoup les âmes.