Erosion des valeurs
Les listes seront déposées ce mardi avant midi. Mais c’est bien lundi soir que les alliances pour le second tour de l’élection au Conseil d’Etat vaudois se jouaient. Si les partis bourgeois avaient la banane dimanche, leur succès doit être relativisé. En tous les cas en ce qui concerne l’exécutif. Certes, la PLR Christelle Luisier a réussi à se faire élire au premier tour. Remarquable pour une personne entrée à l’exécutif vaudois il y a deux ans seulement. Pour le reste, rien n’est joué, loin de là. La droite a visiblement réussi à convaincre sa base de voter compact. Cela explique qu’une quasi-inconnue comme la centriste Valérie Dittli se retrouve à la septième place.
Une telle logique de bloc a pu être observée ailleurs. Genève avait vécu une période monocolore – sept sièges trustés par la droite – durant la législature 1993-1997. Avec un système électoral certes différent à l’époque, la majorité qualifiée à 33% pour l’emporter qui avait alors cours avait permis ce coup de force. Cette discipline de partis risque de s’éroder au deuxième tour.
Deux enjeux à gauche. Remobiliser un électorat qui est allé à la pêche. Surtout dans les bastions progressistes, comme la Ville de Lausanne avec un peu plus de 31% de participation seulement. Un bilan de l’action gouvernemental de la majorité rose-vert s’impose: l’écoute des mouvements sociaux pèche par excès de modestie. Deuxième inconnue: la personnalité de l’udéciste en position éligible va-t-elle servir de repoussoir, avec une tendance centripète qui se manifeste souvent dans les seconds tours (au premier tour on choisit, au deuxième on élimine)? Michaël Buffat est le plus à droite des élus romands à Berne. Ce n’est pas vraiment un agrarien qui part à la reconquête du siège de Jean-Claude Mermoud, perdu en 2011, mais bien plus un représentant de l’aile blochérienne. Cela suffira-t-il à remobiliser le peuple de gauche, et particulièrement les 7% de voix qui se sont portés sur le candidat le mieux placé de la gauche radicale, Hadrien Buclin (EàG)? Et quid de l’électorat vert’libéral? Celui-ci se retrouve à la croisée des chemins.
Cet alignement de partis qui se disent centristes sur l’extrême droite est une tendance lourde et n’est pas une particularité vaudoise. Genève joue la même douteuse partition. Tout est bon pour obtenir une majorité, quitte à jeter par-dessus bord le noyau dur de ses valeurs. Cela se paiera cash, bien sûr. Mais pas par celles et ceux qui jouent à ce jeu macabre: ce sont bien les classes laborieuses et les minorités qui ont du souci à se faire.
Ce phénomène est d’ailleurs global: en France, deux partis au moins se disputent cet électorat. Pas de raison qu’il en soit autrement en Suisse. Mais cela mérite une réaction à la hauteur de la gravité des enjeux.