Édito

Presse muselée par le droit bancaire

Presse muselée par le droit bancaire
L'enquête du consortium international de journalistes révèle que Credit Suisse s'est montré peu regardant concernant la moralité de certains de ses clients. KEYSTONE
Banques suisses

La bombe a éclaté dimanche. Credit Suisse a une nouvelle fois été attrapé les doigts dans le pot de confiture. Une enquête d’un consortium international de journalistes d’investigation a mis en évidence des pratiques d’un temps qu’on nous affirmait révolu: la banque aurait, pendant des années, accepté comme clients des autocrates, des trafiquants de drogue et d’êtres humains ainsi que des criminels de guerre présumés. Quelques 30 000 client·es, venant du monde entier, et pesant quelque 100 milliards de dollars (92 milliards de francs suisses)!

Credit Suisse dément et affirme que l’essentiel des cas problématiques […] relèvent d’un passé «historique», où «les lois et les pratiques étaient très différentes d’aujourd’hui»1>Le Monde du 20 février. Las, selon l’enquête publiée dimanche, ces agissements auraient eu cours jusque dans les années 2010.

Cerise sur le gâteau, il apparaît que le droit suisse a bloqué la participation des partenaires suisses habituels de ce consortium de journalistes, la cellule d’investigation de TX-Group. L’article 47 de la Loi fédérale sur la banque tel que modifié en 2015 permettrait d’embastiller pour une durée pouvant aller jusqu’à cinq ans un·e journaliste qui publierait les informations contenues dans ces Suisse Secrets, le nom de code de ces fuites!

Reporters sans frontières relève que cette législation fait peser «une menace inadmissible sur la liberté de la presse». Les journaux du consortium d’investigation ont même publié un appel pour défendre la liberté d’informer de leurs homologues suisses.

Un peu humiliant pour la Suisse, tout de même, quand des grands médias internationaux doivent défendre des droits fondamentaux et la démocratie avec des termes qu’on réserve généralement aux Républiques bananières. Mais lorsqu’on s’inspire des législations de ces dernières, on s’expose à de tels risques.

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