Prises les mains dans le charbon
Les chiffres sont glaçants. Les banques suisses ont participé à canaliser pas moins de 19,8 milliards de dollars vers l’industrie du charbon, le combustible le plus polluant au monde. Et ceci uniquement depuis 2019. C’est ce qui ressort d’une étude d’un consortium de trente ONG internationales, qui lève le voile sur des données mondiales peu reluisantes.
En tête du triste palmarès suisse se trouve Credit Suisse, qui avait pourtant annoncé à grand bruit fin 2019 ne plus investir dans de nouvelles centrales à charbon. La banque a prêté ou aidé à lever 13,5 milliards à elle seule. La deuxième place revient à UBS. Toutes deux sont membres de la «Net Zero Banking Alliance», initiative de l’ONU pour des émissions neutres de gaz à effets de serre d’ici à 2050.
La place financière suisse détient également plus de 22 milliards de dollars d’actions et obligations d’entreprises actives dans le charbon. Parmi elles, la Banque nationale suisse (BNS), avec 2,5 milliards. En décembre 2020, son président avait pourtant déclaré publiquement que la banque exclurait désormais de ses placements les titres de toutes les entreprises principalement actives dans l’extraction de la précieuse roche.
Le fossé entre les déclarations d’intention et la crue réalité des chiffres est la preuve, s’il en fallait une, que l’autorégulation du secteur bancaire en matière climatique mène droit à la catastrophe. Le manque de transparence est criant, même au sein de la BNS, qui ne divulgue pas d’elle-même ses investissements dans les énergies fossiles. Celle-ci devrait pourtant montrer l’exemple. Les collectivités publiques, qui détiennent une part importante de ses actions, cantons en tête, donneront-elles de la voix? Plusieurs organisations de défense du climat font pression une nouvelle fois sur les cantons pour qu’ils interviennent lors de son assemblée générale prévue en avril.
L’Etat doit cesser de se laisser bercer par les déclarations lénifiantes de la finance et s’imposer pour mettre un frein aux investissements massifs dans des secteurs qui détruisent nos conditions de vie. Alors que les banques vantent leurs placements durables, elles continuent dans les faits à financer l’expansion de mines inutiles et polluantes et de centrales à charbon. Et c’est sans compter les investissements dans les sables bitumineux, ou dans l’exploitation de gaz et de pétrole en Arctique pour ne citer que quelques exemples. Il est urgent d’exiger de la place financière la transparence sur ses investissements et des objectifs clairs en matière de transition.