Tension syndicale autour de l’AVS
Financer l’AVS par les bénéfices non distribués de la Banque nationale suisse. C’est la volonté de l’Union syndicale suisse qui a annoncé le lancement d’une initiative populaire, après l’échec de la proposition au parlement en décembre. La faîtière estime que les bénéfices de la BNS pourraient apporter un financement complémentaire de 2 à 4 milliards de francs par an à l’AVS. Mais au sein du mouvement syndical, des voix dissidentes s’élèvent. Elles veulent que ces recettes ne soient pas uniquement utilisées pour les retraites, mais qu’elles contribuent aussi à financer la transition écologique et sociale, sur fond de crise climatique.
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Initiative plus large
«Ce n’est pas aux travailleuses et aux travailleurs des secteurs voués à réduire leurs activités ou à disparaître de payer ce tournant. Personne ne doit rester sans emploi à cause de changements nécessaires à l’ensemble de la population», écrivent la section genevoise du Syndicat des services publics (SSP), le Syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs (SIT) et le syndicat Syna (ce dernier n’est pas membre de l’USS) dans une prise de position commune. Ils demandent à l’assemblée des déléguées de l’USS, qui se réunira vendredi, de renoncer à l’initiative de financement de l’AVS. A la place, les syndicats genevois proposent de lancer une initiative plus large, qui permette de soutenir financièrement une transition écologique et sociale, dont l’AVS ferait partie.
Pour les auteur·es de la prise de position, l’urgence climatique et ses conséquences sur les travailleurs·euses sont une «urgence syndicale». Cesser d’émettre des émissions de gaz à effet de serre aura un fort impact sur de nombreux secteurs économiques dont l’aviation, le tourisme, ou l’agriculture. «Face à l’urgence climatique, nous avons besoin de transformations radicales de modes de production. On parle d’emplois pour la transition, de salaires, de formations, de reconversions économiques. Ce sont des questions syndicales cruciales», défend Manuela Cattani, cosecrétaire générale du SIT.
«Face à l’urgence climatique, nous avons besoin de transformations radicales de modes de production» Manuela Cattani
Les tensions sont parfois vives entre la défense de l’environnement et la défense des travailleurs et travailleuses. Concernant l’aéroport de Genève par exemple, la volonté du Conseil d’Etat de retrouver 18 millions de passagers·ères se confronte à la nécessité de limiter le trafic, illustre Paolo Gilardi, du SSP. «Des mesures radicales s’imposent et nous ne pouvons plus opposer fin du mois et fin du monde», souligne-t-il.
Fonds pour le climat
Le Parti socialiste suisse et les Vert·es ont annoncé dernièrement une initiative qui prévoit la création d’un fonds pour le climat, qui correspondrait à 0,5% à 1% du PIB. Ne répond-elle pas aux mêmes objectifs? «Ce fonds sera alimenté par le budget ordinaire. Cela ne suffira pas et cela risque de rester lettre morte face à la discipline budgétaire de la droite. Il faut des pistes de financement», fait valoir Davide de Filippo, cosecrétaire général du SIT. Les auteur·es de la prise de position admettent qu’elle a peu de chance d’être soutenue par une majorité de délégué·es. Il s’agit surtout pour eux d’amener un débat sur le caractère profondément syndical des enjeux écologiques au sein de l’assemblée extraordinaire de l’USS.
Président de la faîtière syndicale, Pierre-Yves Maillard ne cache pas son agacement: «Le risque avec un texte qui vise tous les objectifs, c’est de mettre en danger notre combat de fond sur l’AVS. Nous devons nous donner tous les moyens de gagner le référendum AVS21 cet automne et l’initiative de financement par la BNS en fait partie», réagit-il. Le président de l’USS juge que la proposition genevoise fait doublon avec l’initiative pour un fonds pour le climat, portée par le PS et les Vert·es. Il balaie les critiques concernant le financement de ce fonds: «Selon la Constitution, l’Etat reçoit les bénéfices de la BNS, contrairement à l’AVS. S’il faut modifier la Constitution, c’est donc pour le forcer à agir pour le climat, pas pour lui donner des fonds qu’il a déjà, mais qu’il ne sollicite pas et laisse dans les comptes de la BNS.»
Offensive de la droite
L’USS est-elle en retard sur les questions sociales liées à la transition écologique? «Non. Mais les syndicats ont pris le lead sur les retraites. Face une offensive inédite de la droite, nous devons être forts et concentrés. Le PS et les Verts préparent une initiative sur le climat. Nous pourrons nous y engager», répond-il. Il relève que l’USS a soutenu la Grève du climat et se réjouit de l’investissement des activistes climatiques en faveur du référendum AVS21. «Je suis touché de voir des jeunes impliqués. Il y a un soutien mutuel», affirme-t-il.
Le sort de l’initiative pour le financement de l’AVS avec les bénéfices de la Banque nationale suisse se jouera ce vendredi, à l’assemblée extraordinaire des délégué·es.