On nous écrit

Une tragédie classique

Pierre-Bernard Elsig commente une critique de film du 13 janvier de Mathieu Loewer.
Cinéma

Après avoir vu le film de Robert Guédigian Twist à Bamako, j’attendais avec impatience la critique qu’en ferait Le Courrier. J’ai constaté que vous êtes d’accord avec votre collègue d’un autre journal, qui lui avait trouvé la fin laborieuse et didactique.

Le mot qui me vient à l’esprit serait plutôt «hiératique» dans le bon sens du terme: j’ai découvert, par ce film, que j’étais sensible à la tragédie classique française, toute dans l’extrême retenue, l’absence apparente de sentiment, l’exposé distant des passions les plus puissantes.

J’ai su, dès que l’équipe de fils révolutionnaires de l’élite du pays trouve dans leur voiture la jeune femme fille d’esclave mariée de force au petit fils du chef du village que l’histoire se finirait mal. Ce qui m’a permis de ne pas quitter la salle, ce sont les explications de chacun·e des protagonistes sur les très bonnes raisons qui les amènent à la tragédie. Et c’est exposé n’est pas didactique: lorsque l’un des chefs de l’indépendance expose les raisons pour lesquelles il faut poursuivre la répression dure du père du héros et de ses amis de l’élite commerçante qui s’est révoltée, alors que l’on sait qu’elle est accusée à tort de vouloir renverser le régime, le film ne dit absolument pas que les Français ont réellement agi comme le chef l’expose. De même, on ne sait presque rien des raisons qui amènent le frère esclave à appliquer pour sa sœur la tradition ancienne dans toute sa rigueur, alors qu’il n’a rien à perdre à renoncer. Ce silence m’interpelle encore.

Je ne vous fais pas grief de ne pas avoir été sensible à cet aspect tragique du film. Cela est commun. Le film Marie-Jo et ses deux amours est pour moi une tragédie antique et il n’est pas considéré comme un grand film de Robert Guédigian.

Merci pour votre travail.

Pierre-Bernard Elsig, Lausanne

 

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