Casimir von Arx: le Lion des Finances
L’intérêt pour le XIXe siècle est bien vivant. La période a quelque chose de fascinant, quelque chose d’un monde en formation. Beaucoup d’institutions et de pratiques qui constituent notre horizon contemporain y prennent racine. L’historienne et archiviste indépendante Verena Schmid Bagdasarjanz retrace, avec la biographie du politicien soleurois Casimir von Arx (1852-1931), le parcours de l’un des bâtisseurs de la Suisse moderne.
Malgré sa particule, Casimir von Arx n’est pas particulièrement bien né. Il est le fils aîné d’un bourgeois déclassé, sa mère décède jeune et son père se donne la mort avec un bâton de dynamite sur le quai de la gare d’Olten. Il a vingt-quatre ans lorsqu’il se retrouve en charge de ses cadets et doit abandonner son projet de carrière dans la finance internationale. En quelques années, il devient néanmoins un politicien d’envergure nationale et associe son nom à la création de plusieurs des grands établissements encore en place aujourd’hui: la Banque cantonale de Soleure et les Chemins de fer fédéraux, notamment.
Der Zukunft eine Bahn zu brechen1>Verena Schmid Bagdasarjanz, Der Zukunft eine Bahn zu brechen. Casimir von Arx (1852-1931), Zurich: Chronos Verlag, 2021. retrace la trajectoire de vie de Casimir von Arx grâce à ses mémoires et à un fonds d’archives riche. Si le livre oscille par moments entre recueil de sources et biographie, et s’il gagne à être lu de manière plutôt sélective que linéaire, l’attention au détail de Verena Schmid Bagdasarjanz permet de saisir le tissu qui trame la construction du monde moderne. Ainsi, l’ouvrage débute par une biographie collective de la fratrie von Arx, fratrie dont les relations semblent limitées aux opérations financières et commerciales qui lient ses membres: le quotidien de cette bourgeoisie montante est gouverné par les échanges d’argent, les prêts, les dettes, les créances, où l’on compte et l’on note tout. Le cadre dans lequel Casimir von Arx s’épanouira est posé.
Suivre de près la trajectoire de Casimir von Arx permet de saisir au mieux la conception que les élites libérales se font de la fonction publique. Celui qu’on appelle le «Lion des Finances» jongle entre les offices publics: il est simultanément président de la ville d’Olten, conseiller d’Etat de Soleure, conseiller aux Etats, ainsi que président du conseil d’administration de la Banque fédérale et de la Banque cantonale de Soleure, puis de celui des CFF. Le cumul des mandats – jamais considéré comme problématique – ne représente toutefois pas une rentrée d’argent suffisante pour financer un mode de vie bourgeois – du moins d’après les quelques déclarations d’impôt qui subsistent. L’avantage est ailleurs: Casimir von Arx et son frère cadet dirigent une entreprise de matériaux de construction et une branche d’une caisse d’assurance française. Les affaires marchent bien, grâce aux contrats publics. En d’autres termes, l’engagement en politique de Casimir von Arx peut être motivé par des idéaux de service à la collectivité, comme l’explique Verena Schmid Bagdasarjanz, mais il ne nuit pas aux finances privées.
Notes
Séveric Yersin est historien.