Suisse

La 5G, une question de limites

Berne entérine le dépassement des valeurs limites. Au grand dam des opposants.
La 5G, une question de limites
Les opposants à la 5G ne se désarment pas face aux ­autorités. KEYSTONE/ARCHIVES
Téléphonie

Les uns y voient une clarification juridique, les autres un tour de passe-passe pour assouplir les valeurs limites de la 5G. En annonçant récemment une modification de l’Ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI), le Conseil fédéral a provoqué l’ire des opposants à cette technologie de téléphonie mobile. Mardi, plusieurs mouvements se sont fendus d’un communiqué accusant le Conseil fédéral de «bafouer ses engagements et les droits des riverains d’antennes».

Mais qu’a donc fait le gouvernement fédéral? Suivant une publication de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) de février, il a accordé l’ORNI aux antennes 5G, dites «adaptatives». De celles qui concentrent leur rayonnement en direction d’un appareil (à l’image d’un spot lumineux), alors que les antennes «traditionnelles» arrosent une zone concentrique (à l’image d’un lampadaire).

Pour ce faire, le Conseil fédéral a entériné l’application d’un facteur de correction pour le calcul du rayonnement. Une pratique déjà effective, mais dans un cadre juridique flou et donc potentiellement attaquable.

«Il faut mesurer les risques avec les pics, pas avec une moyenne» Olivier Bodenmann

En clair: dès le 1er janvier, il est inscrit dans la loi que la valeur limite d’immissions de 6 volts par mètre (V/m) en moyenne ne doit pas être dépassée sur six minutes, peu importe les pics de rayonnement mesurés dans ce même laps de temps. «La valeur maximale qu’il est possible d’avoir pendant un bref laps de temps est de 19 V/m. Elle reste largement en dessous des valeurs limites d’immissions», indique Rebekka Reichlin, porte-parole de l’OFEV.

Des propos qui ne plaisent pas du tout aux opposants. Pour Olivier Bodenmann, coprésident du collectif Stop5G, «avaliser le facteur de correction est synonyme d’entrée en force du dépassement des valeurs limites». Il plaide: «Ces pics sont répétitifs et c’est avec eux qu’il faut mesurer les risques, non pas avec une moyenne.»

L’enjeu de la santé

C’est l’enjeu du débat qui entoure depuis des années cette technologie, sur laquelle la littérature scientifique demeure lacunaire. Pour le collectif, ces valeurs maximales suffisent à dégrader les cellules humaines ou végétales et, ainsi, à avoir un impact négatif sur la santé. De son côté, l’OFEV estime que de tels dépassements ne sont pas problématiques s’ils sont limités dans le temps, comme le prévoit l’ORNI.

Aussi, appliquer le facteur de correction oblige à équiper les antennes d’un système de limitation automatique de la puissance, garantissant que le dispositif ne dépasse pas la valeur moyenne. «Il n’y a donc pas de risques ou conséquences connus sur la santé humaine ou animale en lien avec la méthode de calcul utilisée pour limiter le rayonnement des antennes adaptatives. Et le principe de précaution visant à limiter l’exposition de la population sur le long terme est respecté», promet Rebekka Reichlin.

Déni de démocratie?

Autre point de discorde: le Conseil fédéral considère que l’application du facteur de correction sur une antenne déjà autorisée ne constitue pas une modification de l’installation. «Cela ne conduit pas à une augmentation de l’exposition au rayonnement. (…) Le détenteur doit uniquement remettre aux autorités une fiche de données spécifique au site, pour des questions de traçabilité», précise Rebekka Reichlin.

Résultat: pas besoin d’une nouvelle autorisation, qui aurait été sujette à opposition. «Le Conseil fédéral veut empêcher que quiconque puisse s’y opposer», regrette Olivier Bodenmann, pour qui ces changements constituent bien une hausse de la puissance. Le collectif y voit là un déni de démocratie.

Suisse Guillaume Chillier Téléphonie

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