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Informer honnêtement au lieu de persuader

En temps de crise, les chercheurs et les chercheuses devraient coller aux faits et exprimer ouvertement leurs doutes. Matthias Egger, président du Conseil national de la recherche du Fonds national suisse (FNS), plaide pour une communication transparente.
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Dans une carrière scientifique, la formation aux médias est un passage obligé, mais le sujet évolue. Pour s’en convaincre, il vaut la peine de comparer les «Top Five Tips for Communicating Science» [les cinq meilleurs conseils pour communiquer la science], présentés en 2009 dans New Scientist, et les «Five Rules for Evidence Communication» [Cinq règles pour une communication des faits], publiées en novembre 2020 dans Nature. Les «cinq meilleurs conseils» étaient ceux du biologiste marin et cinéaste Randy Olson: improvisation, marketing, dramatisation, visualisation et narration correspondent à mon expérience personnelle en matière de formation aux médias. On nous a appris à nous montrer naturels et non comme des chercheurs et chercheuses ennuyeux. A ne pas nous inquiéter de donner des informations imprécises d’un point de vue scientifique. Car même si nos travaux ont débouché sur des résultats intéressants, les résumer ne suffit pas. Il faut encore les partager avec le public, dans un langage simple et à l’aide d’illustrations simples.

Comme ses collègues, David Spiegelhalter, professeur en compréhension des risques par le public à l’université de Cambridge (GB), est d’avis que ces techniques de communication ont fait leurs preuves. Pendant la pandémie de Covid-19 toutefois, cette approche marketing a échoué de manière répétée. En réaction, le professeur et son équipe interdisciplinaire ont développé cinq conseils qui se distinguent nettement de ceux de Randy Olson: informer au lieu de persuader, proposer une présentation équilibrée, ne pas cacher les incertitudes, indiquer la qualité des preuves et anticiper la désinformation.

Le savoir, l’honnêteté et de bonnes intentions permettent de créer des rapports de confiance nécessaires en temps de crise. Si les chercheurs et les chercheuses donnent l’impression qu’ils mènent leur propre croisade, la confiance s’étiole rapidement. Idem lorsqu’ils ou elles ignorent simplement des thèmes qui comptent pour un grand nombre de personnes. Nous devons raconter l’histoire complète, et dire aussi ce que nous ne savons pas. Beaucoup d’entre nous, moi y compris, ont sous-estimé le virus et auraient aimé avoir davantage souligné leurs incertitudes, par exemple sur l’apparition de nouveaux variants ou la transmission du virus par les aérosols. Enfin, nous devons anticiper le fait que nos déclarations peuvent être mal comprises ou mal utilisées. Il reste beaucoup à apprendre en matière de communication scientifique en temps de crise. L’article de l’équipe de David Spiegelhalter paru dans Nature est une lecture obligée.

* Paru dans Horizons n°131, décembre 2021, magazine suisse de la recherche, FNS,
www.revue-horizons.ch

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