Chroniques

Errare humanum est, perseverare diabolicum

A rebrousse-poil

L’erreur est humaine, persévérer (dans son erreur) est diabolique.

L’antique auteur de cette phrase est bien indulgent à l’égard du genre humain, qu’il en soit remercié! Il excuse nos possibles errements, disant en somme: «Tout le monde peut se tromper». Et implicitement, il laisse entendre: «Il n’y a pas de honte à le reconnaître». Ouf!

Oui. Car je l’avoue, je me suis trompé! A ma décharge, je n’étais pas tout seul! J’avais avec moi une partie de ce que la Suisse produit de plus beau dans le domaine de la pensée progressiste, le dessus du panier! Bon, je ne prétends pas du tout que notre modeste barque contenait la totalité de ce monde intellectuel helvétique! Mais il n’y avait dedans que du beau monde, de Jacques Dubochet à Jean Ziegler, d’Alexandre Jollien à la syndicaliste Anne Papilloud: que des gens avec qui on se sent bien!

Rappel: en mars 2020, suite au surgissement de la pandémie de Covid-19, premier confinement. C’est la panique. On ferme les frontières, on se cloître chez soi, on vit dans l’angoisse au quotidien. En même temps, on découvre le rôle essentiel des petites mains, des vendeuses et des livreurs, on applaudit chaleureusement chaque soir le personnel médical. Il semble alors évident que la société qui renaîtra après ce terrible choc sera différente, qu’on ne sera pas bête au point de reproduire les conditions qui ont permis la catastrophe.

Partout, des voix s’élèvent pour indiquer de nouvelles pistes. Nous joignant à ce mouvement, Nago Humbert et moi-même contactons des camarades et des connaissances, et leur proposons de rassembler puis de publier leurs suggestions pour un futur monde meilleur. C’est ainsi que naîtra le Manifeste 2020, un site internet d’abord, puis un livre aux Editions d’en bas, regroupant une vingtaine de contributions dans les domaines les plus divers. On passe avec enthousiasme de l’école à l’alimentation, du syndicalisme à la philosophie, chacune et chacun trace, dans sa spécialité, des voies prometteuses vers l’avenir.

Aujourd’hui, plus d’un an après, tandis qu’une cinquième vague de contamination est en train de déferler sur la planète, force est de constater que l’ancien monde n’a nullement été ébranlé. Il est revenu, écrasant, et rien n’a changé, ou si peu. Les riches s’enrichissent toujours, on s’est remis à commercer à tout va, et la planète poursuit son agonie.

En croyant qu’il viendrait plus de justice, de bonheur partagé, de fraternité, en pensant participer à l’avènement de jours heureux, nous nous sommes donc grossièrement trompés. D’accord.

Mais attention! Aucun d’entre nous n’a été dans le faux quand, se penchant sur l’état du monde, il a souligné que la civilisation actuelle n’était pas viable à plus ou moins court terme, et qu’en ayant pour seul but la recherche du profit pour quelques-uns, elle nous menait inéluctablement au désastre. Aucune de nos intervenantes ne s’est fourvoyée en prêchant pour plus de démocratie, les circuits courts, ou une diminution de la consommation. En pointant du doigt l’urgence et la nécessité du changement, nous avons toutes et tous eu raison! Là, je persiste et je signe!

Notre erreur, énorme, c’est que nous avons compté sur l’intelligence humaine, tant individuelle que collective, qui aurait dû permettre à ces changements de se traduire dans les faits. Pauvres naïfs! Nous avons sous-estimé l’égoïsme, l’indifférence, la force des habitudes. Et nous avons oublié que ceux qui ont intérêt à ce que l’ancien monde perdure, infiniment puissants, ne lâcheront pas leur os facilement. «Errare» donc, constatée, avouée de notre côté.

«Perseverare diabolicum», par contre, est à mettre à la charge de ceux qui restent les maîtres du monde. Creusement des inégalités, épuisement des ressources, catastrophes climatiques… le gouffre est clairement devant nous, mais rien ne les perturbe: tels des chevaux emballés munis d’oeillères, ils foncent!

Vient de paraître: Rouge, nouveau CD de Michel Bühler, 13 chansons inédites

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lundi 8 janvier 2018

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