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Genève remémore ses amitiés grecques

«Genève et la Grèce, une amitié au service de l’indépendance», à voir jusqu’au 30 janvier au Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH), ainsi que le livre au titre éponyme qui accompagne l’exposition rappellent les liens privilégiés qui ont lié Genève et la Grèce au XIXe siècle. Eclairage par Matteo Campagnolo, historien.
Exposition

L’amitié dont il est question, on l’aura compris, est celle des Genevois Anna et Jean-Gabriel Eynard, les philhellènes, et Charles Pictet de Rochemont, le fondateur du canton de Genève, avec Jean Capodistrias, le premier président de l’Etat grec (1827).

L’exposition, de dimensions moyennes, bénéficie d’une mise en œuvre empreinte d’austérité. Elle aurait mérité quelques investissements supplémentaires sans pécher par excès de luxe. Lors du vernissage, elle a pourtant été honorée de la présence de Lina Mendoni. La ministre de la culture de Grèce ne s’est pas trompée sur son importance, sur l’importance de rappeler les liens privilégiés qui ont lié Genève et la Grèce à une heure décisive de leur histoire.

Des objets et des documents d’une puissance évocatrice exceptionnelle ne manqueront pas d’émouvoir le visiteur, notamment le document marquant la reconnaissance de la neutralité permanente de la Suisse, signé, entre autres, par le comte Capodistrias. Ou l’acte de naturalisation de Capodistrias en tant que bourgeois de Genève. Et bien d’autres encore, ces pièces justifiant à elles seules la visite.

On ne peut pas tout avoir: à ce que l’on dit, le public du MAH ne s’intéresse plus aux catalogues d’exposition; qu’à cela ne tienne, la mode est précisément aux livres qui accompagnent une exposition. L’ouvrage Genève et la Grèce – Une amitié au service de l’indépendance est un louable compromis. A la fois une introduction qui permettra au visiteur de mieux profiter de l’exposition et un ouvrage de référence sur un sujet qui gagne à être mieux connu: la naissance de la Suisse et de la Grèce modernes, et les liens, autant personnels que dépendant de la conjoncture internationale à la fin de l’épopée napoléonienne, qui ont favorisé le succès de ces accouchements difficiles.

Au demeurant, ce n’est pas une publication du Musée que le visiteur se voit proposer, bien qu’elle ait été pour l’essentiel réalisée dans ses murs, mais «une publication de la Fondation Hardt pour l’étude de l’Antiquité classique…», comme récite l’impressum. La Fondation Hardt, en affirmant son «néo-philhellénisme», s’est substituée aux instances dirigeantes du Musée en obtenant que «Genève et la Grèce – Une amitié au service de l’indépendance» soit mise au programme 2021 de celui-ci. Cela explique le souci du directeur de la fondation de consacrer une quatrième partie du volume «aux liens d’amitié» unissant la Grèce et la Suisse (et Genève), qui fait la part belle à l’Ecole suisse d’archéologie. Sans oublier un coup de chapeau au Musée du philhellénisme d’Athènes, avec son «Prix du philhellénisme Lord Byron», décerné pour 2021 à Jack Lang, John Kerry et à Charles Pictet, le banquier et mécène genevois. On pourra regretter que la restauration de la chapelle aniconique de Hagia-Kyriaki à Naxos – d’une immense importance pour l’histoire de la religion et de l’art à Byzance –, qui reçut pourtant le prix Europa Nostra 2018 et qui représente à ce jour la seule collaboration gréco-suisse dans le domaine du byzantin, ne soit pas mentionnée; c’est la loi du genre…

Cette publication se signale encore par une longue série de messages officiels, qui sert de hors-d’œuvre. Il manque seulement le mot du directeur du Musée, en rupture avec une tradition solidement établie… Béatrice Blandin, l’archéologue du Musée d’art et d’histoire et commissaire de l’exposition, a su mettre en musique les contributions de trente contributeurs! Et ce sont des historiens qui introduisent, avec autant de clarté que de concision, les trois parties consacrées au XIXe siècle. Deux contributions jettent une lumière originale sur la façon dont la Guerre d’indépendance a été ressentie dans le monde des beaux-arts de l’époque (Mayté Garcia: «Les artistes européens face à la guerre d’indépendance: le rôle de Delacroix») et sur la façon de faire participer les enfants à travers les jeux au soulèvement des Grecs (Ulrich Schädler sur les jeux).

Une belle réalisation, qui rompt avec le trend actuel du MAH!

MAH, rue Charles-Galland, Genève, jusqu’au 30 janvier 2022, ma-di: 11h-18h; je: 12h-21h.

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