Je consomme donc je suis
Décidément, le monde d’après ressemble furieusement au monde d’avant. Les Genevoises et les Genevois voteront une nouvelle fois, le 28 novembre prochain, sur une extension des horaires de magasins. Un sujet sur lequel la population s’est déjà exprimée à plusieurs reprises. Avec cependant deux différences majeures.
Premièrement, les milieux économiques et la droite n’auront pas eu à lever le petit doigt. C’est le Conseil d’Etat lui-même, alors à majorité de droite, qui a proposé que les magasins ouvrent trois dimanches par an et une heure de plus le samedi. Le PDC, qui a opportunément changé de nom, s’est désormais rallié à l’idée de travailler et consommer le dimanche. Quant à la nouvelle majorité gouvernementale de gauche, elle n’a pipé mot.
Deuxièmement, cette modification législative n’est pas liée, comme auparavant, à l’exigence de négocier, entre partenaires sociaux, une convention collective de travail permettant de fixer des conditions cadre minimales dans le commerce de détail. Les milieux patronaux refusaient l’instauration d’un salaire minimum sous prétexte que la question salariale devait se négocier secteur par secteur. Mais demain, dès lors qu’ils auront obtenu ce qu’ils désirent, plus rien ne les incitera à se rasseoir autour de la table.
Nul ne nie que le commerce en ligne et le tourisme d’achat ont une incidence négative sur le marché local, en particulier le petit commerce. Tout comme les salaires trop bas poussent un certain nombre de personnes à faire leurs courses en France. Mais ce n’est pas au personnel de la vente de payer les pots cassés, alors même que ses conditions de travail sont déjà pénibles et peu rémunérées.
De plus, l’extension des horaires proposée favorisera avant tout les grandes enseignes, celles-là même qui offrent une consommation H24 via leurs plateformes internet, voire qui ont construit leurs propres centres commerciaux en France voisine. Aujourd’hui, on ne sait plus très bien s’il s’agit de répondre à l’évolution des habitudes d’achat ou à en créer de nouvelles. La consommation comme horizon indépassable a toujours constitué un objectif politique mortifère. Elle apparait plus que jamais révolue à l’heure de l’urgence climatique.