Une majorité écrasante. Par 64,1%, les Suissesses et les Suisses ont approuvé le mariage pour toutes et pour tous. Il n’y a pas eu de vote caché comme on pouvait le craindre sur un tel sujet sociétal où avouer que l’on est dans le camps minoritaire et discrédité peut être difficile à assumer et influe sur certains sondages. Ce fut le cas lors du vote sur les minarets.

Première leçon à tirer de ce scrutin: la Suisse a enfin rattrapé son retard sur cette question. Les forces politiques qui ont invoqué des réticences dans la population pour ne pas aller de l’avant plus tôt ont eu tort (et l’arrivée d’une nouvelle génération au parlement fédéral a contribué à faire bouger les lignes de crête). La société évolue, la tolérance, le vivre ensemble et l’acceptation des différences ne divisent plus.

Une bonne nouvelle. La vie sera plus facile pour les jeunes en recherche d’identité sexuelle. Ils et elles pourront compter sur la bienveillance de la société pour les accueillir en personnes humaines précieuses, respectées et attendues. Ces parcours – dont on sait qu’ils sont parfois compliqués – s’en trouveront dédramatisés et, espérons-le, facilités. Les programmes contre les discriminations et autres stigmatisations ou violences contre les minorités sexuelles ont eux aussi reçu une légitimation ce dimanche.

Cela permettra également de débattre plus sereinement des aspects non couverts par cette réforme comme le remboursement de la procréation médicalement assistée sous forme des fécondations in vitro. Celles-ci sont réservées aux couples qui en ont les moyens. Et, à plus long terme, la gestation pour autrui, qui est lourde d’enjeux éthiques.

La campagne a parfois eu des relents nauséabonds. On pense à certaines affiches udécistes. Soyons positifs et positives. Cela montre que l’extrême droite a atteint une fin de cycle. Ce genre de repli identitaire sur des fondamentaux tout droit échappés du XIXe siècle en est l’illustration.

Au-delà de la modernité sociétale, on constate toutefois que la Suisse demeure solidement conservatrice sur le plan économique. L’initiative des Jeunesses socialistes n’a convaincu qu’un bon tiers des votant·es (35,1%). Le bloc de gauche, pour faire court.

Et pourtant, l’enjeu d’une plus juste répartition des richesses produites par toutes et tous et confisquées par quelques personnes est crucial. Ces inégalités doivent trouver une réponse à l’aune de la crise climatique à laquelle le monde est confronté. Sans justice sociale, sans orientation volontariste de l’outil de production, l’obstacle risque de se révéler insurmontable.

Consolation: le scrutin de ce dimanche montre que des évolutions positives sont possibles. Que les jeunes générations sont davantage sensibles à ces enjeux. Il s’agit de forger les outils qui parlent au plus grand nombre. Cela prend du temps; on n’en a guère. Raison de plus pour se retrousser les manches. Le risque d’un repli productiviste avec le refus populaire en juin de la loi sur le CO2 peut être surmonté.