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La goutte de trop

Léon Meynet revient sur l’embargo que subit depuis longtemps Cuba.
Politique

Voilà 60 ans que ça dure. 60 ans que les Etats-Unis mettent une pression inhumaine sur Cuba par un embargo impitoyable qui se durcit de président en président et qui est décrié par toutes les nations. En juin 2021, cela faisait 29 années consécutives qu’à l’Assemblée Générale de l’ONU, 184 voix, contre deux pour, condamnaient cet embargo des Etat-Unis et de leur fidèle laquais Israël. Il faut dire que ces derniers ne sont pas en reste en matière de blocus et de représailles en Palestine.

L’embargo que subit la plus grande île caribéenne est le plus drastique qu’elle ait connu jusque-là. Non seulement Trump a détricoté toutes les avancées de normalisation prises par son prédécesseur, mais il a en plus instauré, à coups de décrets, des restrictions supplémentaires qui vont de la suspension des croisières, aux séjours touristiques, à l’interdiction d’accès aux brevets médicaux américains, aux fournitures médicales et alimentaires de base, en passant par une limitation drastique d’envois de dollars des Cubain·es américain·es à leur famille. Mesure qui a entraîné la fermeture de l’agence Western Union de La Havane. Et enfin, pour couronner le tout, dans le dernier mois de son mandat en janvier 2021, l’ancien président a remis Cuba sur la liste des pays soutenant le terrorisme. Ce qui a eu pour conséquence d’engendrer d’autres restrictions au niveau international.

Toutes les nations ont imaginé que la venue de Joe Biden allait changer la donne. Que dalle! Cuba n’est pas dans ses priorités. Et pour cause, ce seront aux élections de mi-mandat de cet automne qu’il ne faudra pas perdre les précieuses voix des Cubain·es anticastristes vivant en Floride. Le maintien de la majorité au Sénat et la confortation des acquis de la majorité à la Chambre des représentants en dépendent. Donc motus et bouche cousue jusque-là, quitte à ce qu’il y ait quelques morts de plus liés à la pandémie Covid-19 ou aux répressions d’une insurrection voulue du peuple contre son gouvernement.

En l’état, cet embargo décrété par une seule nation s’appelle «non-assistance à personnes en danger», car il ne permet pas l’importation de millions de seringues ni de respirateurs indispensables ni, surtout, de certains composants chimiques nécessaires à la fabrication des deux vaccins locaux prometteurs Soberana et Abdala. Si l’on ajoute à ces mesures de rétorsions économiques la réactivation de la loi Helms-Burton qui, pour la faire courte, consiste à exiger la restitution des biens immobiliers et fonciers aux petits fils des colons du régime mafieux de Battista. Autrement dit, à nier et renier la révolution. Il s’agit purement et simplement d’un acte de guerre non déclaré qui inflige, en violation flagrante du droit international, d’énormes souffrances aux cubains ordinaires, insufflé par l’inextinguible volonté de provoquer la faim, le désespoir et le renversement d’un gouvernement légitime issu d’une révolution.

Cette intention était déjà latente en 1959 lorsque Nixon, alors vice-président, rencontrait Fidel Castro, triomphateur de la révolution, à la Maison Blanche et qu’il lui soufflait en coulisse: «Qu’il était de la responsabilité d’un dirigeant de ne pas toujours suivre l’opinion publique, mais d’aider à la diriger dans les voies appropriées, de ne pas donner au peuple ce qu’il pense vouloir à un moment de stress émotionnel, mais de lui faire vouloir ce qu’il devrait avoir.»

Ça en dit long sur le sens de la démocratie et l’hypocrisie politique ambiante d’un pays qui n’a aucun scrupule à laisser dans le caniveau sans couvertures sociale une partie de ses citoyen·nes improductifs·ves. Et il met toute sa force économique, judiciaire, militaire et diplomatique en action afin que ce paradigme libéral extrémiste soit la seule et unique norme qu’il reconnaisse en matière de gouvernance.

De cet ordre mondial là, nous n’en voulons plus.

Léon Meynet,
Chêne-Bougeries (GE)

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