Agora

Depuis Cuba…

Un militant de gauche espagnol vivant dans la banlieue de La Havane témoigne de la difficile situation vécue par les Cubains et analyse les raisons des manifestations anti-gouvernementales du 11 juillet.
Témoignage

Les Cubains parlent beaucoup. Et ils tournent autour du pot pour dire les choses. La télévision cubaine reflète très bien la cubanité, c’est-à-dire le langage et les traditions partagées par les Cubains. Ils parlent et parlent du matin au soir. C’est pourquoi je ne la regarde pas. Mais la vérité est que toutes les annonces politiques et économiques importantes sont faites à la télévision. Ainsi, lorsque quelque chose d’important se produit, le lendemain, je lis Granma, Cubadebate ou Juventud Rebelde pour connaître les annonces officielles. Le langage écrit est toujours plus structuré, concis et succinct que le langage oral. Le 1er janvier 2021, le gouvernement cubain a annoncé un très important train de mesures économiques1>«Cuba retient son souffle», notre édition du 12 février (https://lecourrier.ch/2021/02/12/cuba-retient-son-souffle/). Le samedi 2, ces mesures sont devenues plus claires et plus précises. Le dimanche 3, en lisant la presse et en prenant le café du matin avec ma compagne, je lui ai dit: «Amour, le gouvernement est devenu fou». Elle a levé la tête, surprise, a ouvert de grands yeux et m’a demandé pourquoi je disais ça.

«Parce qu’il n’est pas possible d’augmenter cinq fois les prix de la nourriture, de l’électricité, des transports et tout le reste, même si les salaires sont augmentés cinq fois. Comment penser que dans un pays où 3 millions de personnes gagnent un salaire, 500 000 sont des «cuentapropistas» [sorte d’auto-entrepreneurs, notamment dans le petit commerce ou les services] qui peuvent répercuter l’augmentation du coût de la vie sur leurs prix, et 3,5 millions sont des travailleurs informels ou au chômage qui ne pourront rien faire contre les augmentations de prix, comment penser que dans ce pays les choses ne vont pas exploser dans six mois?» «Il ne s’agit pas d’une question de Révolution et de Contre-Révolution. Lorsque les gens descendent dans la rue sous le capitalisme, ils ne le font presque jamais pour des raisons révolutionnaires. Ils le font parce qu’ils passent un très mauvais moment. Et dans le socialisme, ou ce qu’il y en a à Cuba, ou ce qu’il y avait en Union soviétique et en Europe de l’Est, c’est la même chose.»

«Cela n’arrivera jamais ici»

Plus tard, j’ai écrit avec inquiétude à mes plus proches collègues du Parti [communiste cubain] et, dans un langage plus politique, je leur ai dit: «N’est-il pas clair pour vous que dans six mois, il y aura une explosion sociale suite à ces mesures, car elles viennent s’ajouter à une pénurie d’aliments et de médicaments telle que nous n’en avons pas vu depuis la «période spéciale»2>La « période spéciale » de temps de paix de Cuba a été une longue période de crise économique qui a débuté à l’effondrement de l’Union soviétique en 1991 et, par extension, du système d’échange entre pays du bloc communiste, ainsi que du renforcement de l’embargo étasunien depuis 1992. A partir de 1994, une reprise s’est amorcée, le PIB atteignant en 2007 des niveaux similaires à ceux de 1990. des années 1990 – due à des causes anciennes, la pandémie et la disparition du tourisme, l’intensification du blocus, et le manque d’aliments et de matières premières pour l’économie du pays? Il y aura 3,5 millions de Cubains vivant dans l’informalité et le chômage, qui n’auront pas assez à manger, parce qu’ils auront épuisé toutes leurs réserves, vendu tout ce qu’ils avaient à vendre, emprunté ce qu’ils pouvaient et ne pourront plus rien faire?»

Les plus méfiants parmi ces camarades m’ont dit que je ne comprenais pas Cuba, que cela n’arriverait jamais ici, que le gouvernement mettrait en place des aides pour les personnes les plus défavorisées, que les gens faisaient encore confiance à la Révolution et que la Contre-Révolution ne parviendrait pas à obtenir un soutien. De la manière simple et claire que ma pensée a acquise au fil des ans et de l’expérience, j’ai répondu qu’il ne s’agissait pas d’une question de Révolution et de Contre-Révolution. Lorsque les gens descendent dans la rue sous le capitalisme, ils ne le font presque jamais pour des raisons révolutionnaires. Ils le font parce qu’ils passent un très mauvais moment. Et dans le socialisme, ou ce qu’il y en a à Cuba, ou ce qu’il y avait en Union soviétique et en Europe de l’Est, c’est la même chose. Et maintenant, une partie des Cubains est probablement en train de passer un très mauvais moment. Les plus prudents parmi mes camarades du Parti avaient une autre réponse: «J’espère que cela n’arrivera pas».

«J’ai vu l’ambiance autour de moi changer»

Aujourd’hui, je regarde le calendrier et j’ai peur. Parce que j’avais raison. Six mois et onze jours plus tard, les gens sont sortis dans la rue. Pendant cette période, j’ai vu l’ambiance autour de moi changer. La première semaine de janvier, mes voisins ont suivi avec beaucoup d’attente les annonces du gouvernement. Les familles se rassemblaient devant le téléviseur pour regarder l’Informativo «Estelar» ou les programmes spéciaux où les ministres et les spécialistes expliquent les mesures économiques à la population. De balcon en balcon, dans les portails, dans les files d’attente, les gens se racontent ce qu’ils ont entendu, débattu, pensé.

La deuxième semaine de janvier 2021, j’ai quitté l’île avec une grande tristesse. Ma compagne a été admise à l’hôpital pédiatrique pour une infection urinaire dont elle souffrait depuis trois mois. Lorsque je lui ai dit au revoir, j’ai pleuré de l’avoir laissée à l’hôpital, mais je n’avais pas d’autre choix que de retourner en Europe pour la dernière fois.

Lorsque je suis retourné à La Havane fin mars pour y rester vivre, l’atmosphère avait considérablement changé. Les gens étaient anxieux, frustrés, fâchés. Un vieux camarade de plus de 80 ans, qui lit et me passe le Granma, m’a dit: «On est mal. Je ne peux même plus fumer». J’ai tout compris. Pire encore, j’entendais de temps en temps des gens du quartier dire: «Díaz Canel, singao» [enfoiré].

«Patria y vida»

Puis vient la provocation de la gusanera [«tas de vers-de-terre», surnom donné à Cuba aux exilés de Miami], avec le clip Patria y vida3>«Contre-révolution culturelle à Cuba», notre édition du 12 mars (https://lecourrier.ch/2021/03/12/contre-revolution-culturelle-a-cuba/) (Patrie et vie) en opposition au slogan révolutionnaire Patria o Muerte (La patrie ou la mort). Et merde, de temps en temps, je l’entendais en marchant dans le quartier. Même dans une file d’attente dans un magasin un matin, un garçon l’a mis sur son haut-parleur et a produit une altercation avec les agents de la PNR [Police nationale révolutionnaire]. Beaucoup ont défendu le garçon. Et ce n’est pas qu’il ait plein de contre-révolutionnaires. Non, pas du tout. C’est juste que les gens sont fatigués, angoissés et en colère.

Je ne sais pas si ces choses se passaient dans les beaux quartiers comme El Vedado, Miramar ou Siboney. Mais là où je vis, à Santa Fé, dans la banlieue ouest de La Havane, là où la ville se termine par des petites maisons précaires, après quoi vient la campagne, c’est cela qui arrivait. Et ce n’est pas étrange. Comme il s’agit d’un quartier plus pauvre, plus noir, où l’on trouve plus de femmes seules avec leurs enfants, où plus de gens vivent dans l’informalité et le chômage, les mesures du 1er janvier 2021 ont frappé plus fort ici. Et je me suis dit: «Comment peuvent-ils ne pas voir en haut que ça va exploser?»

L’impact de la dévaluation

Il n’est pas pertinent ici d’expliquer l’ensemble du plan économique du 1er janvier. Mais il est nécessaire de souligner deux autres faits essentiels pour comprendre pourquoi les gens sont descendus dans la rue le 11 juillet et les jours suivants. Parallèlement à l’augmentation des prix, il a été décidé, le 1er janvier, de fixer un taux de change de 1 dollar (USD) = 24 pesos cubains (CUP). En d’autres termes, les prix ont été multipliés par cinq, mais le dollar a été maintenu au même taux que celui auquel il était déjà disponible pour le public.

Le fait est que seulement 40% des familles cubaines reçoivent au moins un envoi de fonds par an de l’étranger. Bien sûr, certains reçoivent beaucoup d’argent, d’autres un peu, d’autres exceptionnellement. Certains auront également un salaire, ou un commerce privé, ou seront des travailleurs informels, ou seront au chômage et n’auront rien d’autre. Et dans certains cas, il s’agira de familles nombreuses, dans d’autres de petites familles, et dans de nombreux cas, de familles dont les enfants sont pris en charge par des femmes seules. Sans doute l’impact a-t-il été inégal, mais dans tous les cas, cela a signifié que le pouvoir d’achat des envois de fonds qu’ils recevaient a été divisé par cinq.

Magasins vides et magasins pleins

Des facteurs qui ont contrebalancé ce résultat peuvent être mentionnés, comme le fait que les prix sur le marché noir ont atteint 1 USD = 50 CUP et plus. Cela a donné un certain répit à la hausse des prix. Ou que l’on a ouvert des magasins où les prix sont en dollars (en réalité ils sont en MLC, Monnaie librement convertible, dont l’origine peut être des dollars, des euros, des francs suisses ou n’importe quelle Visa ou Mastercard) et pour cette raison ils n’ont pas augmenté cinq fois comme cela est arrivé avec les prix en pesos.

Ces magasins réservés aux MLC étaient une grande source de tension parmi la population. D’abord, parce que 60% des familles cubaines ne reçoivent pas de fonds de l’étranger et n’ont pas de MLC pour faire leurs achats dans ces magasins. Deuxièmement, parce que les 3 millions de travailleurs de l’Etat reçoivent leurs salaires en CUP, leur argent est donc inutile dans les magasins du MLC. Et troisièmement, le facteur le plus irritant pour les gens, les magasins payés en CUP étaient vidés de leurs marchandises, alors que ceux payés en MLC débordaient de mêmes marchandises. N’est-il pas évident que de telles choses poussent les gens dans la rue?

Monoculture et dépendance

Toutefois, il ne faut pas croire que l’intérêt désespéré de l’Etat pour capter des dollars est dénué de sens. Ce n’est pas du tout le cas. C’est très rationnel. Mais toute rationalité est limitée. Et celle-ci l’était beaucoup. Cuba, comme tous les pays d’Amérique latine, souffre de l’héritage colonial de la monoculture et du fait que celle-ci a été prolongée jusqu’à très tard. Lorsque l’Union soviétique s’est effondrée en 1991 et a cessé d’acheter du sucre cubain, 80% à 90% des exportations du pays ont disparu d’un seul coup. L’économie s’est effondrée et sans la Révolution et les communistes, nous aurions vu sur l’île les scènes de faim, de pauvreté et de destruction que nous voyons en Afrique sub-saharienne. Les empêcher a été leur plus grand exploit.

Mais après trente ans d’efforts pour modifier sa matrice productive, le pays traîne toujours une énorme dépendance à l’égard des denrées alimentaires et des matières premières. En 2019, les chiffres de la balance commerciale des marchandises sont effrayants. Quelque 10 milliards de dollars d’importations, contre quelque 2,5 milliards d’exportations. C’est un ratio insoutenable.

Santé et tourisme

En revanche, la plus grande invention cubaine de ces décennies a été l’exportation de services médicaux. Beaucoup plus réussie que le tourisme. Je ne sais pas si c’est Fidel, Chávez ou quelqu’un d’autre qui l’a inventé. Les médecins, les infirmières et les techniciens de la santé cubains ont sauvé le pays et permettent qu’il fonctionne encore. Ils rapportent peut-être 6 ou 8 milliards de dollars par an, ce qui contrebalance le déséquilibre du commerce extérieur.

Mais la disparition du tourisme à la suite de la pandémie a été un coup terrible en 2020. Cuba a perdu quelque 3 milliards de dollars de revenus par an. C’est une fois et demi ce que l’île doit importer pour nourrir la population. C’est la raison de la pénurie actuelle de nourriture, de médicaments et de tout le reste. L’Etat ne dispose pas des fonds nécessaires pour les importer ou pour importer les matières premières requises pour les produire ici. Il faut ajouter à cela le blocus yankee et les prix supplémentaires que Cuba doit payer pour importer quoi que ce soit, en raison de la menace de sanctions étasuniennes contre ses partenaires commerciaux. Un blocus criminel qui représente un coût de quelque 5 milliards de dollars par an.

Capter plus de dollars

C’est pourquoi le gouvernement a augmenté les prix de tout cinq fois et a laissé inchangé le taux de change identique. Pour capter cinq fois plus de dollars. C’est pourquoi les magasins ont été ouverts aux MLC. Capter chaque dollar utilisé pour acheter une livre de riz, afin d’importer une autre livre de riz, à mettre sur la même étagère. Le gouvernement ne peut rien faire avec les pesos cubains qui proviennent des magasins CUP. Ils sont inutiles pour importer et réapprovisionner les aliments qui sortent de ces magasins.

Mais à ce stade, un économiste illuminé a peut-être eu une idée atroce. Pourquoi ne pas vider les magasins CUP et remplir de marchandises les magasins MLC? De cette façon, nous attirerons encore plus de dollars. Ceux qui n’ont que des pesos cubains n’auront d’autre choix que d’acheter des choses à ceux qui ont des dollars. Ceux-ci nous donneront à leur tour encore plus de dollars, à acheter pour les vendre aux autres. De cette façon, les marchandises en MLC ruisselleraient sur ceux qui n’ont que des CUP. Le problème est que ces derniers paieront encore plus cher pour les marchandises. Et dans une situation de pénurie générale, ils paieront deux, trois et quatre fois la valeur du magasin.

Le coût de la vie et la réduction de la capacité de consommation ont augmenté dans la même proportion. Par exemple, une canette de bière Cristal dans un magasin MLC coûte 1,25 USD soit 30 CUP. Dans la rue aujourd’hui, elle coûte 100 CUP soit 4 USD. C’est très bien de capturer des dollars pour importer de la nourriture, des médicaments, du pétrole et tout le reste. Mais des contrepoids sociaux étaient nécessaires pour assurer certains minima à ceux qui n’ont pas de dollars et vivent en pesos, et surtout, à ceux qui n’ont pas de commerce privé ou de salaire. Ces contrepoids brillaient par leur absence.

L’un des moments les plus tristes de ces mois pour moi a été lorsqu’un ministre a dit comme si de rien n’était: «Les gens doivent comprendre qu’à Cuba, à partir de maintenant, il sera très difficile de vivre sans travailler». Mais compadre [compère], comment les 3,5 millions de personnes qui vivent dans l’informalité ou le chômage pourraient-elles trouver un emploi, si l’économie stagne à cause de raisons anciennes, la pandémie et la disparition du tourisme, l’intensification du blocus, l’énorme dépendance vis-à-vis des aliments et des matières premières importées? La table était mise pour que la population descende dans la rue.

Washington appuie sur les plaies

Les Yankees ont clairement compris la situation et font tout leur possible pour rendre difficile l’arrivée des dollars à l’île. Ils ont obligé Western Union à cesser ses activités dans le pays et ont menacé de sanctions les entreprises qui effectuaient des transferts vers l’île. Beaucoup ont cessé de le faire.

Le gouvernement cubain, encore plus désespéré pour capter des dollars, a retardé la remise des fonds aux bénéficiaires afin de les utiliser pour payer les importations. D’autres sociétés de transfert de fonds ont cessé de travailler avec l’île à cause de cela. En fin de compte, il n’y avait pratiquement aucun moyen pour les dollars d’atteindre le pays autrement que par les «mules» [porteurs individuels], et le gouvernement avait moins de dollars à capturer pour les utiliser pour les importations.

Nouvelle mesure incendiaire

A la fin du mois de juin, pour des raisons qui ne sont toujours pas claires pour moi, le gouvernement a décidé que les banques n’accepteraient plus les dépôts en espèces en dollars. Les seuls moyens de charger des cartes de débit pour acheter dans les magasins des MLC étaient les virements, et ceux qui avaient des dollars en espèces auparavant ne pouvaient plus rien en faire. Par conséquent, il n’y avait pas grand-chose à acheter dans les magasins en pesos cubains et moins de gens pouvaient acheter dans les magasins en dollars. Les files d’attente dans les magasins du MLC ont été réduites.

La théorie perverse du ruissellement de l’économiste éclairé a également cessé de fonctionner. Et le coup de grâce dans l’humeur des masses a été l’augmentation accélérée des cas de Covid. Ceux-ci ont grimpé en flèche dans tout le pays au cours des deux dernières semaines, et en particulier dans la province de Matanzas, atteignant des sommets inégalés, mettant le système de santé en difficulté et le pays en mauvaise posture.

Le dimanche 11 juillet 2021

Le jour où les gens sont descendus dans la rue, j’étais dans un bureau d’Etecsa4>Entreprise de télécommunications de Cuba, en train d’acheter du crédit pour passer des appels et envoyer des SMS, comme si j’avais su qu’ils allaient faire tomber l’internet. Nous étions une dizaine, assis sur des bancs face à face, à faire la queue, et la nervosité était palpable dans les bavardages des uns avec les autres. J’ai perçu une certaine panique. Un homme a déclaré avoir vu, avec horreur, des photos de personnes mortes du Covid dans les couloirs d’un hôpital de Matanzas. Une vieille dame racontait que pendant les derniers jours du mois dernier, jusqu’à ce qu’elle et son mari puissent retirer leurs provisions du carnet de rationnement, ils se sont nourris d’eau sucrée. Un autre homme a dit qu’avec Fidel, les choses qui se passaient n’auraient jamais pu avoir lieu et que Cuba ne serait plus jamais la même. Une dame a mis le doigt sur le problème de comprendre pourquoi des personnes ont ressenti le besoin de descendre dans la rue ce jour-là. Elle a dit: «Je pense que le gouvernement a perdu le contrôle de tout, du coronavirus, de l’économie, de tout».

Je doute que cela soit exact, mais c’est la perception qu’en ont de nombreux Cubains. (…) Les informations dont nous disposons sur les manifestations, leur portée géographique et sociale, ainsi que sur la lutte politique qui se déroule au milieu d’elles, sont très limitées. A cela s’ajoutent les distorsions qui découlent de la guerre médiatique contre Cuba. Mais on ne peut pas dire que tout est parti en l’air ou d’une explosion sociale, comme je l’ai dit plus haut. Avant-hier [le 14 juillet], nous avons traversé une partie de La Havane pour emmener ma compagne à l’hôpital pédiatrique et il y avait une normalité absolue dans l’hôpital et dans les rues. Hier, nous sommes allés à la pharmacie car ils sortaient des médicaments et à notre grande surprise, nous avons trouvé l’antibiotique que nous cherchions. Nous nous sommes ensuite rendus au magasin dans la rue 5ème A, et après la file d’attente habituelle, nous avons fait notre achat. Et à notre grande surprise, ma carte Visa a fonctionné même si l’Internet était toujours en panne. Au fil des jours, nous connaîtrons plus précisément l’étendue de ce qui s’est passé, mais la vie continue. Il s’agit sans aucun doute des plus grandes manifestations depuis la Révolution. Mais ce n’est pas irrationnel qu’il y ait des gens qui protestent alors que tout plonge dans le chaos. Nous devons dédramatiser la situation. Nous devons lui donner la place qui lui revient. L’avenir nous dira si la Révolution se remet de ces manifestations et de celles à venir, si elle en tire les leçons ou si elle y succombe. J’espère de tout cœur que la Révolution ne s’effondrera pas. Si c’est le cas, Cuba deviendrait Haïti en quelques semaines ou quelques mois. Pas Miami, comme le promet la gusanera. Et à ma grande tristesse personnelle, mon quartier de Santa Fe deviendrait un endroit insupportablement pauvre et violent. Comme toutes les périphéries des villes d’Amérique latine de nos jours…

Notes[+]

* Nom d’emprunt.

L’auteur est membre du Parti communiste espagnol. Son texte a été écrit le 16 juillet, puis traduit par Patricio Paris pour son blog (https://blogs.mediapart.fr/patricio-paris/blog) et, enfin, publié dans la revue Contretemps (contretemps.eu.

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