Catalogne: une longue route vers la résolution politique du conflit
Le 23 juin, les prisonnier·ères politiques catalan·es sortaient de prison le poing levé, grâcié·es par le gouvernement espagnol. Vu d’ici, cela ressemble au bout du tunnel. Or, il n’en est rien. Le chemin vers une solution politique conflit reste long et semé d’embuches.
Si les grâces accordées aux neuf dirigeant·es indépendentistes condamné·es pour sédition constituent un pas dans la bonne direction, force est de constater que le nombre de personnes poursuivies dans le cadre des événements d’octobre 2017 s’élève à plus de 3000. Elu·es locaux·ales, fonctionnaires, représentant·es de la société civile, toutes et tous doivent faire face à des accusations diverses et variées. L’acharnement judiciaire ne s’est ainsi pas arrêté le jour où les grâces ont été promulguées.
Le dernier exemple en date est la décision du Tribunal des comptes. Organe administratif de contrôle de la gestion financière du secteur public et de l’Etat espagnol, il réclame à 41 hauts dignitaires catalans des peines pécuniaires s’élevant à 5,4 millions d’euros, et cela avant même qu’un jugement ne soit rendu à leur encontre. Les faits qui leur sont reprochés concernent des activités menées entre 2011 et 2017 dans le cadre de leurs fonctions. La quasi-omnipotence du Tribunal des comptes, maintes fois dénoncé pour son caractère partial et népotique, est un réel problème démocratique. A titre d’exemple, le Tribunal des comptes réclame à Andreu Mas-Colell, ancien ministre de l’Economie, 2,9 millions d’euros. Un fait qui a conduit 33 lauréats du Prix Nobel à signer une lettre dénonçant l’arbitraire auquel est confronté l’ancien ministre.
Des demandes européennes concrètes. C’est dans ce contexte particulièrement chahuté que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a accepté, le 21 juin dernier, une résolution intitulée «Les responsables politiques devraient-ils être poursuivis pour les déclarations faites dans l’exercice de leur mandat?» Exhortant l’Espagne à prendre ses responsabilités en libérant les prisonnier·ères politiques et en retirant les demandes d’extradition visant les personnes exilées, elle insiste sur la nécessité de réformer les délits de rébellion et de sédition, afin de garantir une proportionnalité des sanctions. L’APCE exige aussi la fin des persécutions contre les élu·es et les fonctionnaires qui continuent d’être perpétrées par des organes tels que le Tribunal des comptes. Finalement, elle consacre la détermination du gouvernement catalan à ancrer la résolution du conflit dans un cadre politique.
A l’heure où la question catalane semble pour beaucoup en passe d’être résolue, ce positionnement marque un tournant dans l’attitude de l’Europe vis-à-vis de l’Espagne. Le traitement judiciaire et répressif d’un conflit politique ainsi que l’emprisonnement arbitraire de dissident·es sont reconnus et condamnés. L’Etat espagnol est rappelé à ses obligations. Signataire de la Convention européenne des droits humains, il se doit de respecter et défendre tant la liberté d’expression que le droit à l’autodétermination. Les droits humains ne sont pas à géométrie variables.
Lorsque Pedro Sanchez, premier ministre espagnol, déclare «tant que je dirigerai le Parti socialiste, il n’y aura pas d’autodétermination pour la Catalogne», la volonté de dialogue affichée par Madrid prend un coup dans l’aile. Le dialogue suppose que les deux parties sont prêtes à entamer une discussion constructive. Les Catalan·es ont prouvé, depuis l’élection de M. Sanchez en novembre 2019, qu’ils et elles croient à une résolution pactée et politique du conflit. Au tour de Madrid, à présent, de prouver qu’elle saura dépasser les clivages politiques, les pressions de la droite et de l’extrême droite et qu’elle s’assiéra à la table des négociations dans un esprit constructif et ouvert.