Suisse

Une cohésion nationale à préserver

L’anglais pourrait supplanter la deuxième langue nationale chez les futurs employés de commerce.
Une cohésion nationale à préserver
L’anglais à la place d’une deuxième langue nationale? C’est ce qui pourrait arriver aux apprentis employés de commerce, si le nouveau plan d’études est adopté. KEYSTONE/ PHOTO-PRÉTEXTE
Apprentissage

Mettre à jour une formation dont les fondements ont près de vingt ans n’est pas aisé. Baptisé «Employé-e-s de commerce 2022», le nouveau plan d’études de ce métier ultraprisé par les jeunes a dû être reporté d’un an tant les réactions suscitées sont vives, notamment du côté des banques, des compagnies d’assurances et des enseignants.

Un des points litigieux est ultrasensible: l’obligation d’apprendre désormais une langue étrangère et non plus nationale. Selon le Tages-Anzeiger, Guy Parmelin lui-même, patron du Département de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR), est intervenu pour proposer une nouvelle mouture plus en accord avec la cohésion nationale. Le résultat de la nouvelle consultation engagée sera donné cette semaine.

Auteure du premier projet controversé, la Conférence suisse des branches de formation et d’examens commerciales (CSBFC), organisation responsable des apprentissages de commerce, en prend pour son grade. Elle a soumis sa proposition au gouvernement fédéral pour examen au début de l’année. Aussitôt, la contestation a enflé. Elle est parvenue jusque sous la Coupole fédérale aux oreilles des Commissions de l’éducation. Celle du Conseil des Etats a entendu jeudi une dernière fois les employeurs et le Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI).

La copie doit être revue

Est-ce acceptable qu’un apprenti employé de commerce n’apprenne qu’une langue étrangère dont le choix est laissé aux cantons? «Non cette option ne peut absolument pas être retenue», répond Elisabeth Baume-Schneider, conseillère aux Etats (ps, JU), membre de la commission de l’éducation. «Et si un compromis concernant l’apprentissage des langues a pu être adopté dans le cadre d’HARMOS (concordat d’harmonisation pour la scolarité obligatoire, ndlr), il est important pour cette formation en particulier de le préserver. Je profite de préciser qu’il s’agit impérativement de parler de «langue 2» car il est paradoxal de considérer les langues nationales comme des langues étrangères alors que seul l’anglais en est une.»

La langue de Shakespeare choisie par la majorité des apprentis? Pour un jeune Romand ou Alémanique, la tentation est grande d’esquiver les difficultés de l’autre langue nationale. «On peut redouter que le choix se porte sur l’anglais, mais on peut observer que dans le cadre d’HARMOS, il n’a pas été systématiquement décidé par les cantons d’introduire l’anglais en lieu et place du français, de l’italien ou de l’allemand», relativise Elisabeth Baume-Schneider. «Je suis d’avis qu’on peut laisser une marge de manœuvre aux cantons et que les conseillères et conseillers d’Etat en charge de l’éducation sauront dialoguer de manière fructueuse.»

Thématiques nouvelles

Au-delà du problème de la langue obligatoire, le nouveau projet de formation biffe du programme les mathématiques ou encore l’économie. Des lignes directrices comme «agir dans des formes souples de travail et d’organisation» ou «interagir dans un environnement en réseau» apparaissent en lettres d’or. Dans ces blocs thématiques, les apprentis sont censés acquérir des «compétences d’action».

Est-ce aller trop vite et trop loin? «Il s’agit d’un changement de paradigme avec une évolution de l’apprentissage par discipline en apprentissage de compétences», répond Elisabeth Baume-Schneider. «Je ne vais pas m’immiscer dans les plans d’études et je considère que la démarche est intéressante mais pas encore à maturité au vu des divergences de vues entre les différents partenaires.»

Des infos cette semaine

Une nouvelle mouture corrigée par le SEFRI a été mise en consultation début mai. Elle contient une modification importante concernant les compétences linguistiques. «A la suite des remarques qui sont parvenues sur le premier projet, le SEFRI a mis en consultation une proposition qui prévoit l’enseignement de deux langues étrangères obligatoires pour toutes les personnes en formation», informe Martin Fischer, responsable de la communication. «La grande majorité des acteurs concernés ont manifesté leur soutien à cette proposition.» Le terme de «langue étrangère» l’a donc emporté sur «langue nationale» ou «langue 2».

Le SEFRI insiste sur la nécessité de réformer cette formation. L’économie s’est internationalisée et digitalisée. Pour s’intégrer dans le marché du travail, les jeunes doivent pouvoir disposer des compétences requises, ce que vise la réforme en cours. Les deux auditions réalisées jusqu’à présent par le SEFRI montrent que le projet serait mieux accepté. «Des voix critiques se font entendre», concède Martin Fischer. «Ce qui est normal lorsqu’on réforme en profondeur le métier le plus choisi en Suisse au rythme de 13 000 nouveaux contrats d’apprentissage par an.» En reportant l’entrée en vigueur des changements à 2023, les écoles et les entreprises auront deux ans pour se préparer à la mise en œuvre.

Suisse Pierre-André Sieber Apprentissage

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