Chroniques

Sommet mondial Biden-Poutine-Perler-Dal Busco

L'Impoligraphe

Dis Tonton, c’est quoi, un sommet mondial?

– Ben, par exemple, c’est quand Joe Biden et Vladimir Poutine se rendent à Genève pour rencontrer Frédérique Perler et Serge Dal Busco. Yalta, à côté, c’était de la gnognotte. On est la capitale mondiale du monde mondial, non, ou bien?

– Donc c’est ça, un sommet mondial, mais le sommet, à Genève, c’est lequel? le Salève? Le coteau de Bernex?

– Nan, c’est l’hôtel Intercontinental…

– Ah, d’accord, c’est donc ça, l’«enjeu planétaire» de la rencontre: relancer l’hôtellerie genevoise…  Mais ça me dit pas ce qu’ils vont faire à G’nêêêêve, les deux glandus?

– Causer de tout: la Biélorussie, l’Iran, la Syrie, le climat, la banquise climatique, comment elle va la petite famille, tout ça. Et ils le font chez nous parce que, comme elle a dit Anne, notre précédente présidente du Conseil d’Etat, G’nêêêêve est «une ville neutre», un «lieu de négociation et de dialogue, afin de favoriser la recherche de solutions». Et que comme il a dit, notre nouveau président du Conseil d’Etat, «c’est le retour du dialogue dans une ville de dialogue». Et not’bon président de la Confédération s’est d’avance félicité d’un dialogue qu’il espère «fructueux» entre deux hommes qui se détestent… C’est pas comme quand Reagan et Gorbatchev se sont rencontrés à Genève, en 1985: ils ne se détestaient pas ces deux là, ils ne se connaissaient pas. Manque de pot, Biden et Poutine, ils se connaissent… Manquerait plus que leur homologue chinois se pointe sans être invité pour que ça dégénère…

– C’est vrai, ça, pourquoi y’a que les présidents ricain et russe qui se rencontrent chez nous, et qu’ils n’ont pas invité le Chinois? Parce qu’ils en ont peur?

– Sans doute, mais là, on n’est plus dans la politique, mais dans la physique. Je t’explique: Genève, c’est le centre du monde, on est d’accord?

– Ben évidemment qu’on est d’accord: on est le centre du monde.

– Et la Chine, c’est bien l’Empire du Milieu, on est toujours d’accord?

– Ouais, toujours.

– Alors voilà, c’est pour ça que le président chinois ne vient pas à Genève. Parce que l’y faire venir, ça serait faire venir le centre au milieu, et que ça provoquerait un trou noir.

– Euh… t’es sûr de ce que tu dis, là?

– Non, mais comme ch’uis pas sûr non plus que la rencontre de Biden et de Poutine serve à grand chose, et que Biden sera le quatrième président ricain à rencontrer Poutine et que les trois autres n’ont pas réussi à le faire bouger d’un poil, il faut bien que je trouve une explication à ce que Xi Jinping ne rejoigne pas les deux autres. Note bien que la femme de Biden et la maîtresse de Poutine n’y seront pas non plus, à G’nêêêêve…

– Bah, l’important, c’est que Parmelin et Cassis y soient, non?

– T’as raison, c’est l’essentiel… En attendant, on va pas seulement être le centre du monde, on va aussi être la plus grosse concentration mondiale de flics, de barbouzes, d’agents de sécurité, de gardes du corps, de membres de services spéciaux et de renifleurs de toutes espèces: des municipaux, des cantonaux, des fédéraux, des privés, tous aux ordres des Ricains et des Ruskofs… on a peut-être perdu le Salon de l’auto, mais on a gagné celui des barbouzes… le bal des polices, quoi. La CIA dansera la valse avec le FSB, la NSA le tango avec le GRU, la Fedpol le menuet avec la gendarmerie, ça va être mignon tout plein. Va falloir faire gaffe à ce qu’on dit sur la toile et au téléphone, vu la surveillance qui s’y collera, préviennent les informateurs de la Tribune

– Charmant tableau, dis donc.

– Tu peux le dire. La police genevoise le dit aussi, d’ailleurs: elle va constituer un «cordon supplémentaire, une enveloppe autour d’un noyau assez dur» (celui des barbouzes venus de Russie et des Etats-Unis), «assurer la protection extérieure», escorter les convois présidentiels, leur permettre de circuler en empêchant tout le reste de la circulation, sécuriser les lieux «où les personnalités séjourneront et se réuniront», gérer les manifs qui pourraient se tenir, faire survoler la ville par des drones et des hélicos, louer des blindés à l’armée suisse… L’espace aérien sera interdit, et on va peut-être même installer des dispositifs anti-aériens sur la plage des Eaux-Vives (et pas aux Bains des Pâquis?), faudrait pas que l’avion de Biden soit détourné sur la Biélorussie… Et tout ça en «composant avec les restrictions sanitaires» et en évitant de transformer le raout mondial en cluster covidien. Ça va être chouette, Genève, pendant trois jours.

– C’est même inespéré: j’ai toujours rêvé de visiter Pyongyang, je pourrai le faire sans quitter Genève…

* Conseiller municipal carrément socialiste en Ville de Genève.

Opinions Chroniques Pascal Holenweg L'Impoligraphe

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