International

INADMISSIBLE SILENCE

Brouillon auto 316
EPA/Ernesto Guzman Jr
Colombie

Au moins quatorze nouveaux morts pour la seule ville de Cali, et un pays entier sur lequel les forces de sécurité font déferler une violence hors de contrôle: tel est le panorama de la Colombie, après avoir passé, ce vendredi 28 mai, le cap d’un mois de mobilisation.

Si à travers tout le pays, défilés et manifestations ont marqué l’anniversaire symbolique d’un mois de grève générale, c’est une fois de plus dans la ville de Cali que la répression a dépassé toutes les limites. Durant la journée de vendredi et la nuit qui a suivi, la police colombienne, ouvertement aidée de milices civiles paramilitaires, a tiré directement sur la foule des manifestant·es. Durant un épisode particulièrement glaçant, qui s’est déroulé en plein centre de Cali, où un barrage bloquait l’accès à une des avenues, un civil armé a abattu à bout portant deux personnes, dont un étudiant de 18 ans, Juan Pablo Cabrera. Immédiatement, l’homme a été poursuivi par la foule et lynché. On a appris ultérieurement qu’il s’agissait d’un membre du CTI, l’unité technique de la police judiciaire, et que selon le ministre de la Défense, le fonctionnaire «n’était pas en service». Dans les quartiers sud de Cali, les victimes sont tombées sous les tirs de «chemises blanches-brunes», ces paramilitaires en civil qui agissent avec la protection de la police, au vu et au su de tout le monde.

A Bogotá, des affrontements très violents ont eu lieu dans plusieurs localités, notamment à Bosa où le terminal de transport, rebaptisé «Resistancia», est devenu un lieu emblématique des mobilisations. Une localité des alentours de la capitale, Madrid, a aussi connu une répression policière démesurée, qui a été dénoncée par l’organisation de défense des droits humains Human Rights Watch.

Face à ce bain de sang, la seule réponse de l’exécutif a été la militarisation de Cali et de huit régions du pays, ordonnée par décret vendredi soir par le président Duque. Human Rights Watch a immédiatement dénoncé un texte qui n’appelle pas à éviter l’usage excessif de la force, ni à respecter les droits humains, ni à chercher le dialogue. La haut-commissaire de l’ONU pour les droits humains, Michelle Bachelet, a demandé une enquête indépendante à la suite des violences de Cali.

Tandis que le pays menace de se polariser avec de nouvelles contre-manifestations organisées ce dimanche à Bogotá à l’appel d’un comité des dites «chemises blanches», il est urgent que la communauté internationale se mobilise: sur ce point, le silence du président étasunien, Joe Biden, dont le pays soutient militairement la Colombie, est particulièrement scandaleux. Quant à la Commission interaméricaine des droits humains, nul ne sait quand elle pourra venir en Colombie

International Laurence Mazure Colombie

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