Édito

Mépris de genre

Mépris de genre
Une personne âgée s’apprête à voter sur la question du financement additionnel de l'assurance-vieillesse et survivants (AVS- AHV) par le biais d'un relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée, en septembre 2017 à Genève. KEYSTONE
AVS

Les partis bourgeois semblent avoir décidé de faire, une fois pour toute, payer aux femmes le renflouement de l’AVS. Le Conseil des Etats a en effet entamé lundi le débat sur la nouvelle réforme du premier pilier, dite AVS 21. En faisant travailler les femmes jusqu’à 65 ans, les sénateurs espèrent économiser de la sorte 1,4 milliard de francs dans un pot qui en pèse, bon an mal an, quelque 47 milliards.

Et tant pis si sur le peuple a refusé par deux fois – la dernière, c’était en 2017, avec PV 2020 – de faire passer les femmes à la caisse. Sans oublier le mouvement social d’ampleur qui les a vues descendre par dizaines de milliers dans les rues en juin 2019 pour défendre leurs droits. Dont celui à une retraite décente, elles qui touchent – premier et deuxième pilier confondus – un tiers de moins du système de prévoyance du fait des discriminations salariales qui les frappent.

Il était donc urgent, plutôt que de réduire ces dernières – ce qui permettrait également de réinjecter des liquidités dans le système –,  de s’attaquer au porte-monnaies des femmes. Car qui dit augmentation de l’âge de la retraite implique une baisse des rentes servies, notamment pour celles qui travaillent dans les professions au front, comme les soignantes et les vendeuses, volontiers applaudies le printemps passé, et qui doivent souvent cesser prématurément leurs activités pour cause d’épuisement.

A cette obstination antisociale et, disons-le, à ce mépris de genre, il sera important de ne pas céder. Tout d’abord pour des raisons de principes. Cette volonté de presser le citron jusqu’à la dernière goutte avant de le jeter s’inscrit à contre-courant des valeurs de justice sociale qui fondent une société.

Et parce que le rapport de force est plus favorable qu’il n’y paraît. Les partis conservateurs peignent le diable sur la muraille: le déficit de l’AVS annoncé depuis des années ne se produit pas, pour d’éminentes raisons (création nette de places de travail, rendement de la part des fonds AVS placés). Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de problèmes. Mais leur ampleur est exagérée. Et surtout, les mesures frappant les femmes en annoncent d’autres, touchant cette fois tout le monde. Certain·es stratèges politiques évoquent déjà, à coups de savantes règles de trois, un départ à la retraite générale à 68 ans!

Cela montre bien que la réponse est à chercher ailleurs. Dans une meilleure mise à contribution des richesses produites au profit de tous·tes. Cette question fâche. Mais elle est inéluctable. Du moins dans une version progressiste des rapports sociaux en lieu et place de la politique de prédation des gains de productivités par quelques-un·es.

Opinions Édito Philippe Bach AVS

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