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Quel genre de «marchés» revendiquons-nous?

Au niveau mondial, plus de la moitié des petits producteurs sont liés à des marchés locaux ou territoriaux. Qualifiés «d’informels», ces marchés doivent au contraire être considérés comme partie intégrante de l’économie réelle, protégés et renforcés.
Agriculture

Dans les discussions sur le développement de systèmes alimentaires locaux ou le soutien aux petits agriculteurs, on entend souvent des arguments comme «supprimer les intermédiaires» ou «relier directement les agriculteurs aux consommateurs». Mais ces concepts peuvent être trompeurs quand il s’agit de lutter pour la souveraineté alimentaire. Les petits agriculteurs et les paysans ne représentent qu’un élément de la complexité du réseau alimentaire. Au niveau mondial, plus de la moitié des petits producteurs sont liés à des marchés locaux ou territoriaux qui sont les marchés les plus répandus pour l’approvisionnement alimentaire des communautés rurales aussi bien qu’urbaines. Par marchés territoriaux, on entend les marchés qui sont situés dans des zones géographiques spécifiques auxquelles ils sont étroitement associés. Ces zones peuvent être d’échelles différentes: elles vont du niveau du village ou du district au niveau national ou régional. Ces marchés locaux et territoriaux impliquent d’autres petits acteurs qui jouent un rôle important, comme les marchands, les transporteurs et les transformateurs, et dans la plupart des pays, ces occupations sont une source de revenus pour des millions de gens.

Dans ces marchés, les femmes occupent une place centrale, en tant qu’acheteuses, vendeuses et productrices qui fournissent les marchandises au marché, ce qui représente une source de revenus importante pour leurs familles et contribue à renforcer leur position dans la société. C’est ce qui se passe depuis des siècles. Dans le livre Southeast Asia in Trade Time 1450-1680, on peut lire l’histoire du capitaine d’une flotte portugaise qui avait fait escale aux îles Moluques et avait remarqué que les femmes étaient les principales vendeuses et acheteuses et que c’était même elles qui dictaient les règles du marchandage.

Quoique ces marchés locaux et territoriaux soient d’une extrême diversité, ils ont tout de même certaines caractéristiques en commun. Ainsi les distances parcourues par les petits producteurs et les consommateurs de ces marchés sont relativement courtes, car les produits agricoles sont produits, transformés, vendus et consommés dans une zone donnée. Les marchés contribuent aux économies locales et les bénéfices restent sur place et reviennent presque immédiatement aux personnes concernées. En outre, les petits producteurs et les autres acteurs ont davantage de prise sur le prix de leurs produits et sont plus à même de bâtir une relation de confiance et des liens sociaux avec le reste de la communauté.

La lutte pour l’espace s’intensifie entre les marchés locaux et territoriaux et les marchés mondiaux représentés par les chaînes de supermarchés et de supérettes, sans oublier les entreprises de commerce en ligne en plein essor. De plus en plus, cette concurrence entraîne des mesures de persécution et de répression envers les petits agriculteurs et les marchés de plein air, une situation qui a encore été exacerbée par les règlementations liées à la pandémie.

Dans toute la région et au-delà, les communautés et les organisations de la société civile réclament que ces marchés et tous les petits participants impliqués dans ces marchés soient reconnus et soutenus. Elles demandent qu’on arrête de qualifier d’«informels» et de les traiter comme tels ces marchés locaux, car cela en fait souvent une cible pour la loi et les autorités. Les marchés locaux et territoriaux doivent au contraire être considérés comme partie intégrante de l’économie réelle. La protection et le renforcement de ces marchés locaux sont des aspects cruciaux de la souveraineté alimentaire et de la consolidation des économies locales au sein d’un réseau alimentaire complexe.

GRAIN est une ONG internationale de soutien aux petits paysans et mouvements sociaux, www.grain.org

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