La méfiance, douteuse boussole politique
Un de ces week-ends où nos autorités ont du bleu à l’âme. Le verdict des urnes peut en effet être lu de manière mitigée par les autorités fédérales. Elles ont été désavouées sur deux des trois objets soumis au peuple: la loi anti-burqa est approuvée par 51,2% des votant·es, l’identité électronique (e-ID) est sèchement refusée avec 63,4% de «non» et même l’accord de libre-échange avec l’Indonésie ne passe la rampe qu’avec 51,7% de voix, alors que la campagne des opposants au libre-échangisme a été plutôt molle.
C’est bien sûr l’initiative du comité d’Egerkingen qui matérialise le plus fortement le climat populiste qui règne en Suisse. Seule l’UDC soutenait ce texte roublard –défendre le droit à porter la burqa relevait tout de même de la mission impossible– et qui, sous couvert de défendre les droits des femmes, avançait masqué: le but était bien, une nouvelle fois, de faire régner un discret fumet islamophobe.
Manifestement, la stratégie populiste s’est avérée payante: l’UDC (et ses faux-nez) sont parvenus à convaincre au-delà de leur étiage naturel. Il a beaucoup été glosé sur le fait que la gauche était divisée à ce sujet. Ce qui est bien sûr une réalité: quelques figures du camp progressiste n’ont pas craint d’annoncer leur soutien au texte.
Mais on relèvera que la droite a tout autant mal à ses fondamentaux. La démocratie libérale est aussi fondée sur la liberté de croyances et met volontiers en avant le libre-arbitre. Inscrire dans la Constitution suisse des prescriptions vestimentaires fait plus qu’érafler ces principes.
La poussée populiste qui a permis cette victoire va bien sûr revenir à la charge. «Tant que je gagne, je joue», dit l’adage. Le financement des mosquées est dans le collimateur. Le débat va rapidement resurgir sur le devant de la scène politique. Celles et ceux qui ont cédé au premier degré de ce texte risquent de se trouver pris·es dans un engrenage et auront fort à faire pour ne pas céder une nouvelle fois aux arguments pseudo-rationnels de la droite extrême.
Le front uni des opposants à la loi anti-burqa qui s’est constitué entre milieux antiracistes, autorités fédérales et associations féministes intersectionnelles aura fort à faire pour mettre fin aux incessants amalgames entre islam et islamisme.