Édito

There is no alternative*

There is no alternative*
Au final, la focalisation sur l’huile de palme – censée être produite «durablement» pour bénéficier des baisses des droits de douane – aura surtout brouillé le débat. Keystone
Accord de libre-échange

Un ours qui étreint un tigre; la campagne à la Walt Disney des partisans du projet d’accord de libre-échange avec l’Indonésie prêterait presque à sourire. Parce que le texte prévoit une clause en faveur du développement durable, dont personne ne sait comment elle sera appliquée, le renforcement des échanges commerciaux entre les quatre pays européens de l’AELE (Islande, Liechtenstein, Norvège, Suisse) et l’archipel asiatique deviendrait soudainement favorable à l’environnement? Soyons sérieux.

Evidemment, avec cette votation, exportateurs et importateurs jouent sur du velours. Le silence de la plupart des grandes ONG, prises au piège de cette demande minimale pour une fois concédée, semble accréditer la propagande patronale. Des organisations d’autant plus mal à l’aise qu’elles viennent de se faire tancer par leurs bailleurs de fonds de la droite fédérale, qui leur reprochent leur investissement massif et quasi victorieux en faveur de l’initiative pour des multinationales responsables.

Les organisations indonésiennes n’ont pas ces prévenances. La Civil Society Coalition for Economic Justice, regroupant les principaux mouvements sociaux et associatifs d’Indonésie, s’oppose fermement à cet accord et à son jumeau actuellement négocié avec l’Union européenne. Les militants locaux pointent notamment les garanties octroyées aux multinationales agro-industrielles et pharmaceutiques en termes de propriété intellectuelle (semences, fertilisants, pesticides, médicaments) qui se matérialiseront au détriment des paysans et des citoyens indonésiens. Bien que cela ne concerne pas la Suisse, l’accord commercial passé au travers de l’AELE fait également la part belle à l’industrie halieutique occidentale – islandaise et norvégienne – qui menace de ruiner les près de 3 millions de pêcheurs de l’archipel. L’inquiétude de la société civile est d’autant plus forte que le pouvoir indonésien vient d’ouvrir un vaste chantier (loi dite Omnibus) de déréglementation de la protection des travailleurs et de l’environnement.

Au final, la focalisation sur l’huile de palme – censée être produite «durablement» pour bénéficier des baisses des droits de douane – aura surtout brouillé le débat et occulté l’enjeu central: la planète n’a rien à retirer d’un accord qui accentue les échanges commerciaux intercontinentaux et perpétue un modèle devenu obsolète. Socialement, écologiquement et même sanitairement – pensons au rôle de la déforestation dans l’émergence de nouveaux virus –, l’heure est à la relocalisation de l’économie. Produire et consommer autant que possible localement; exporter ou importer les surplus et les produits attachés à un terroir. Pour paraphraser l’une des idéologues qui nous a conduit au bord du précipice: «There is no alternative*!»

* «Il n’y a pas d’alternative», plaidoyer néolibéral de la première ministre britannique Margaret Thatcher (1979-1990), aussi connu sous l’acronyme TINA.

Opinions Édito Benito Perez Accord de libre-échange

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Votations fédérales du 7 mars 2021

samedi 6 février 2021
Les Suisses voteront sur l’initiative «oui à l’interdiction de se dissimuler le visage» et les référendums contre la loi sur l’e-ID et contre l’accord de libre-échange avec l’Indonésie.

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