«Une prise de conscience de la part des hommes est indispensable»
Presque chaque semaine des cas de harcèlement sexuel sont portés au grand jour et dans tous les milieux – médiatique, politique, judiciaire, universitaire; aucun domaine ne semble épargné. Le fait que ces cas ne restent pas cachés reflète un point positif: la parole est en train de se libérer.
Afin d’appuyer ce phénomène, en 2016 déjà, les Vert·e·s demandaient au Conseil communal de Lausanne de mesurer l’importance du harcèlement de rue (soit les actes de harcèlement sexuel commis dans le domaine public). Le sondage mené par la Municipalité pour y répondre ne laissait pas de place au doute: 72% des femmes de 16 à 25 ans interrogées ont indiqué avoir été victimes de harcèlement de rue au moins une fois dans l’année qui a précédé. C’est donc un phénomène omniprésent qui était jusque-là inexistant dans les statistiques, et donc oublié des politiques publiques.
Cet électrochoc a eu le mérite de faire démarrer des initiatives publiques et privées pour chercher des moyens d’appréhender et de lutter contre le harcèlement sexuel de manière générale. Parce que ce fléau, aussi violent soit-il, se passe en règle générale dans l’anonymat de la rue, derrière les portes closes du domicile, ou au travail. La parole doit se libérer pour rendre compte de ces actes, et c’est notre rôle à toutes et tous de lui aménager la possibilité de le faire, mais aussi de mettre en place les mécanismes nécessaires pour qu’elle soit entendue et écoutée.
L’application «Eyes Up» a vu le jour dans ce but: permettre aux cibles, mais aussi aux témoins de harcèlement, de dénoncer ce qu’elles et ils voient, entendent ou vivent. Pour permettre aussi de rendre compte de l’ampleur du phénomène, de sa violence.
Là encore, les résultats après un an d’utilisation sont sans appel. Tout d’abord par leur nombre: 1100 actes de harcèlement sexuel dénoncés, soit plus de trois par jour. Ces actes vont des sifflements et regards déplacés, au fait de se faire suivre (10% des cas!), aux attouchements ou encore aux menaces de violences ou de viol. Autre élément central: le genre des personnes concernées. Les femmes sont les cibles de 94% des agressions, alors que les hommes sont des auteurs (seuls ou en groupe) dans 97% des cas. Et un des chiffres les plus représentatifs selon moi: parmi les témoins qui rapportent des actes de tiers, seuls 30% sont des hommes.
Cela doit impérativement nous interpeler et nous faire réagir. Nous, hommes alliés à la cause féministe, mais également nous, politicien·ne·s locaux·ales, qui pouvons agir sur le terrain. La parole se libère, mais les dénonciations et interventions des hommes sont encore trop peu nombreuses, et frileuses, alors que nous sommes privilégiés. Les violences sexuelles sont en premier lieu un problème d’hommes, c’est donc aussi à nous de nous mobiliser pour lutter contre ce fléau plutôt que d’en laisser la responsabilité (et les risques) aux femmes, comme c’est le cas à l’heure actuelle.
Que ce soit au niveau de la Confédération, où le Conseil fédéral vient de mettre en consultation un projet rétrograde de modification de loi sur les infractions sexuelles qui ne considère toujours pas l’absence de consentement comme étant constitutif de viol, ou au niveau des Villes où l’action de terrain est possible, la conscience doit encore gagner les hémicycles. Maintenant que les outils existent, qu’ils soient publics ou associatifs, utilisons-les et agissons en conséquence, en éduquant, en formant nos policières et policiers, en collaborant avec le monde de la nuit, pour réagir et prévenir ces actes et, enfin, endiguer ce fléau.
Xavier Company est coprésident des Vert·e·s lausannois·e·s, conseiller communal, candidat à la Municipalité de Lausanne.