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Pentecôte avant terme: la droite vire à gauche

L’IMPOLIGRAPHE

Aurions-nous annoncé il y a deux ans qu’on entendrait des conseillers nationaux PLR plaider pour que qu’une partie des réserves et des bénéfices (21 milliards en 2020) de la BNS puissent servir à une politique keynésienne de relance économique, qu’une conseillère d’Etat PLR se lance dans un éloge de la dette comme investissement en temps de crise, on nous aurait ipso facto empaquetés dans une camisole de force et conduit dans les sous-sols de Belle-Idée, là où on a planqué le dernier appareillage utilisable pour des électrochocs… Et pourtant, on n’aurait été que bons prophètes en notre pays: presque toute la droite suisse et genevoise, de Christian Lüscher à Pierre Maudet en passant par Nathalie Fontanet (que nos lecteurs rupestres adaptent ces exemples à leur propre personnel politique), a exorcisé le spectre de la dette, brisé le tabou de l’indépendance de la Banque nationale et défend désormais des politiques de relance keynésienne. On se pince, mais on ne rêve pas. Et on attend pour très bientôt la droite exiger la distribution aux assuré·e·s des réserves excédentaires des caisses maladie (il y en a pour 5 milliards, à répartir entre un peu plus de 8 millions d’habitants, bébés, enfants et ados compris) et une treizième rente AVS pour 2020 à verser rétroactivement avant Pâques.

Miracle ou malédiction de la pandémie, elle tire donc la droite à gauche. Aux Etats-Unis, le nouveau président, que personne ne prenait pour le fils naturel de Rosa Luxemburg et de Nestor Makno, propose un ambitieux plan de relance reprenant une grande partie des propositions de la gauche démocrate (Sanders, Warren) et suggère de le financer par le déficit budgétaire et la planche à billets (la création de monnaie par la Réserve fédérale).

Vous allez voir que, partis comme ils sont partis, on les verra tous porter des gilets, même pas jaunes: rouges. Et exiger un revenu minimum inconditionnel, l’interdiction des licenciements et, financées par l’Etat ou la commune, la reprise par leurs salariés et la mise en autogestion des entreprises en faillite (GastroSuisse craint celle, probable, de 50% des restaurants d’ici à fin mars 2021). Et la réouverture des librairies et l’arrêt des remonte-pentes des stations de ski… même ça? Ouais, même, c’est dire…

C’est Pentecôte avant Pâques. Une véritable transfiguration. Au point qu’on se demande s’il ne faut pas désormais compter au nombre des symptômes du coronavirus, outre la fièvre, la migraine, les courbatures et la perte de l’odorat et du goût, la perte du sens de l’orientation politique de la droite – ce qui confirmerait d’ailleurs l’hypothèse qu’il a été créé par le Parti communiste chinois. Ce qui innocenterait le pangolin – d’ailleurs, c’est désormais vers le vison que se tourne l’accusation d’être le vecteur de la Covid. Un vison communiste, ça existe? Bah, pourquoi pas, on a bien des libéraux keynésiens…

Notre chroniqueur est conseiller municipal carrément socialiste en Ville de Genève.

Opinions Chroniques Pascal Holenweg

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lundi 8 janvier 2018

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