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J’insulte, donc je suis?

J’insulte, donc je suis?
Il serait sans doute souhaitable que la RTS réagisse par voie légale à ce qui est plus qu’un dérapage. KEYSTONE
Sexisme

La présentatrice du 19h30 du week-end, Mme Jennifer Covo, a été victime d’un déferlement d’insultes trop vulgaires pour être reproduites ici et gravement sexistes, après son interview d’Alain Berset. Son tort? Avoir poussé ce dimanche le ministre de la Santé dans ses retranchements en pointant le caractère peut-être trop timide des mesures décidées ces derniers jours en Suisse pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

Une interview pourtant des plus civiles. Mme Covo s’est certes montrée insistante, voire pugnace, face à un politique qui renâclait un peu devant l’obstacle. Le rappel du principe de précaution par la présentatrice et du décalage de la politique suisse par rapport aux pays voisins va à l’encontre des pressions majoritaires du monde économique.

Résultat: un déversement d’insultes, au point que le conseiller national udéciste Yves Nidegger, qui avait ouvert les festivités mais en des termes acceptables, a dû rappeler ses followers à l’ordre. Son fil Facebook est devenu un déversoir à toutes les colères et à toutes les manifestations de misogynie de bas étage.

Ce genre de phénomènes est de plus en plus courant et hélas pas nouveau: on se souvient qu’en France, il y a trois ans, la journaliste Nadia Daam avait subi une campagne de cyber-harcèlement avec menaces de viol et de mort, y compris contre sa fille, pour avoir dénoncé des plateformes internet peu vigilantes en matière de régulation de propos haineux à l’encontre des femmes. La justice a dû s’en mêler à deux reprises.

Il serait sans doute souhaitable que la RTS réagisse par voie légale à ce qui est plus qu’un dérapage. Visiblement, on assiste à une «trumpisation» de la vie politique suisse. Pendant quatre ans, le président étasunien a insulté les trois quarts de la planète et à peu près tous ses adversaires politiques, surtout lorsqu’elles étaient de sexe féminin. Il n’y a pas de raisons qu’un si bel exemple n’essaime pas.

Cela montre aussi que le Conseil des Etats a été quelque peu nonchalant en refusant, il y a une dizaine de jours, de donner suite à une motion verte demandant une campagne de prévention contre les dérapages sexistes. Les insultes qui ont frappé la journaliste Jennifer Covo plaident pour un élargissement de l’article antiraciste 261bis qui a été étendu récemment aux propos homophobes. Car les bases légales sont maigres pour lutter contre la banalisation de l’insulte antifemmes sur les réseaux sociaux. Alors que leurs conséquences sont souvent dramatiques.

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