Partie remise?
Essayé, pas pu. Il s’en est fallu de peu: l’initiative pour des multinationales responsables a obtenu une majorité de voix (50,7% des suffrages) mais a trébuché sur la majorité des cantons, puisque seuls huit cantons et demi ont soutenu ce texte, alors que douze étaient nécessaires. Dans plusieurs cantons sur le balan, c’est bien la campagne agressive des milieux économiques qui a fait basculer le vote. On n’est pas passé loin.
Rageant. Ce résultat traduit le clivage villes–campagnes: les grands centres urbains alémaniques ont eux aussi voté en faveur de cette modification législative. En revanche, les cantons de la Suisse profonde – les fiefs de la réaction udécistes où le PDC est aussi sur la même longueur d’onde que la formation blochérienne – ont refusé l’initiative. Plus de 65% de non à Nidwald, Schwyz et Appenzell Rhodes-Intérieures.
C’est donc le contre-projet – inoffensif – qui entrera en vigueur. En attendant le prochain scandale. Car c’est bien une occasion que la Suisse a manquée ce week-end. Comme pour le secret bancaire, prétendument gravé dans le marbre puis abandonné quand devenu par trop encombrant, certaines pratiques vont buter sur les pressions de la communauté internationale qui se donne des lois en la matière, un projet étant même en préparation au niveau de l’Union européenne. La Suisse ne pourra pas impunément abriter des multinationales voyous sans en payer les conséquences.
On relèvera aussi que la campagne de votation s’est caractérisée par une brutalité nouvelle. Glencore a notamment annoncé une plainte et a même demandé des mesures provisionnelles pour bloquer les arguments des initiants. On verra si elle maintient sa procédure-bâillon, maintenant qu’elle a emporté le morceau.
De pleines pages ont été achetées dans les journaux. Pas uniquement par Glencore, d’ailleurs. On aussi vu des placards signés notamment par l’entreprise LafargeHolcim. Celle-là même qui doit affronter une procédure judicaire pour son financement de Daech en Syrie, ce qui lui a permis de maintenir ouvertes ses usines.
Cette violence politique nouvelle traduit-elle une «trumpisation» de la vie politique helvétique? Peut-être. Et dans ce cas, autant se préparer à la généralisation des «faits alternatifs», aux méthodes d’intimidation et au lobbysme agressif. Notamment en mettant en place des garde-fous. En matière de sécurité des votations, de transparence dans le financement des campagnes et de limitation du poids des lobbies au parlement, dont on a vu qu’il a aussi compté dans cette campagne.
Puisse enfin cette majorité des voix exprimées inviter le monde politique à faire preuve d’un minium de vigilance et de volontarisme en matière de contrôle des agissements de ces géants économiques. Rêvons un peu. Mais peut-être que la magnifique mobilisation qui a porté cette campagne y contribuera.