Chroniques

N’oublions pas les réfugiés de Lesbos

À votre santé!

J’aurais pu écrire une rubrique sur la deuxième vague de Covid-19 ou sur l’indécence de vouloir faire payer au personnel soignant le déficit budgétaire qui découle de la pandémie, comme a l’intention de le faire le canton de Genève. J’aurais aussi pu parler de l’absurdité du mode de financement de notre système de santé qui permet que les assurances, malgré leurs réserves de plus de 10 milliards de francs «ne se sentent pas concernées» par la facture hospitalière que va laisser cette pandémie, alors que Confédération et cantons se renvoient la balle au point que les hôpitaux se voient obligés d’annoncer «un plan d’économie» – heureusement vite «oublié» au vu de l’ampleur de la deuxième vague provoquée par le SARS-CoV-2.

Finalement je préfère vous parler de la lettre que j’ai envoyée, comme plusieurs médecins romands, à la conseillère fédérale en charge des questions migratoires:

«Je me permets de vous adresser ce courrier pour partager mes craintes sur les conditions sanitaires qui prévalent sur l’île de Lesbos suite à l’incendie qui a ravagé le camp de rétention des migrants de Moria, laissant dans une précarité grave quelques 12’000 demandeurs d’asile dont 4000 mineurs.

»Mon inquiétude est légitime, d’autant plus que nous sommes maintenant au seuil de l’hiver et que, comme le relève une étude récente, la population du camp de Moria a souffert, avant même l’incendie, de faim, de manque d’eau potable et d’une prise en charge médicale insatisfaisante. A cela s’ajoutent la promiscuité, les atteintes à l’intégrité sexuelle, et le risque infectieux majeur encouru par les populations vulnérables que sont les enfants, les femmes enceintes, et les malades chroniques. Cette population, cherchant un refuge au sens des conventions de Genève de 1951, est atteinte dans sa dignité humaine, alors qu’elle est sur sol européen, et donc sous la jurisprudence qui prévaut dans les accords de Dublin dont la Suisse est cosignataire.

»Je sais, pour avoir suivi médicalement de nombreux patients demandeurs d’asile, avec différents statuts, combien cette situation précaire a des répercussions non seulement à court terme mais aussi à plus long terme. En effet, le bon sens, mais aussi de nombreuses études démontrent que la précarité sociale peut provoquer de graves atteintes à la santé, et qu’il y a un lien direct entre cette souffrance et les difficultés rencontrées dans un parcours migratoire.

»Aussi, je me dois comme médecin signataire de la charte du groupe Médecins Action Santé Migrant-e-s (MASM), de m’associer à l’initiative de nombreuses villes de Suisse pour vous demander, Madame la Conseillère fédérale, d’accueillir plusieurs centaines de ces migrants délaissés sur une île grecque et de leur donner un statut légal clair au nom du droit humanitaire.

»La Suisse dispose d’une capacité d’accueil bien supérieure à celle proposée par la Confédération, sachant qu’en cette année 2020, nous n’avons eu qu’un très faible nombre de demandes d’asile déposées en Suisse, comme le montrent les chiffres du Secrétariat aux migrations, et que les structures d’accueil prévues à cet effet permettent donc parfaitement de recevoir ces gens.

»La Suisse a la chance de disposer d’un des meilleurs systèmes sanitaires au monde et de nombreuses institutions sanitaires capables de prendre en charge ces personnes aux problématiques médicales souvent complexes dans plusieurs cantons.

»Personnellement, je m’engage dans ma pratique médicale à œuvrer pour la santé des personnes accueillies en provenance de Lesbos, et à leur offrir un accompagnement à une intégration digne dans notre pays.»

A la fin, nous lui demandions de faire tout ce qui est en son pouvoir pour répondre à notre sollicitude de citoyens-médecins.

Epée dans l’eau, peut-être, mais qui prend encore plus de sens quand on sait que cette pandémie touche bien plus fort la Grèce qu’au printemps: Qu’en sera-t-il des réfugiés de Lesbos?

Prenez soins de vous!

Notre chroniqueur est pédiatre FMH et membre du comité E-Changer, ONG suisse romande de coopération.

Opinions Chroniques Bernard Borel

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lundi 8 janvier 2018

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