Rendre l’arme nucléaire illégale
Le Honduras est devenu samedi le cinquantième Etat à avoir ratifié le Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN). Ce qui permettra à ce dernier d’entrer en vigueur dans un délai de nonante jours. On serait tenté de dire que le combat de l’Ican (International Campaign to Abolish Nuclear Weapons, le prix Nobel 2017) a trouvé sa conclusion. En vérité il ne fait que commencer.
En effet, les pays détenteurs de l’arme nucléaire1>La Chine, la Russie, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Inde, Israël, le Pakistan et la Corée du Nord. Mais le traité concerne aussi les pays qui abritent de tels engins pour le compte d’autres puissances ou alliances militaires.ne l’ont ni signé ni même ont daigné participer aux négociations ayant abouti à sa rédaction. Les plus nucléarisées de ces puissances, toutes membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, préfèrent invoquer le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) qui a l’avantage de leur reconnaître le statut de puissances atomiques.
Les Etats-Unis ont même mené une discrète mais musclée campagne pour faire pression sur certains pays en leur suggérant de faire machine arrière. Plus prudent (ou plus hypocrite), Emmanuel Macron a sorti sa botte secrète du «en même temps». Oui, l’élimination de l’arme nucléaire est souhaitable, mais «les avancées vers cet objectif ne peuvent être que progressives et fondées sur une perspective réaliste du contexte stratégique».
Relevons que la Suisse n’a pas ratifié ce texte comme le demandait pourtant une double majorité aux Chambres emmenée par le Genevois Carlo Sommaruga. Affligeant. Mais explicable au vu de la position du conseiller fédéral Ignacio Cassis qui s’abrite derrière le fait que la Suisse serait protégée par le parapluie nucléaire de l’OTAN, comme le relève, consternée, l’association Sortir du nucléaire… Cela a manifestement pesé plus lourd que la neutralité suisse ou les demandes du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) qui a salué dimanche le cap franchi, «une victoire pour l’humanité et la promesse d’un futur plus sûr», dixit Peter Maurer son président.
C’est à un combat de longue haleine qu’il faut s’attendre. L’Ican voit dans ce traité un moyen de pression au même titre que les textes proscrivant l’usage des mines antipersonnel ou les armes à sous-munitions. L’arme atomique sera officiellement interdite; cela va saper sa légitimité et les discours cyniques invoquant l’équilibre de la terreur.
Dans ce processus de délégitimation, la société civile devra continuer d’assumer son rôle moteur, vu la démission d’Etats comme la Suisse. La violence obscène de ces armes qui dépasse l’entendement humain fait que, plus que jamais, ce combat pacifiste est gage d’avenir pour une humanité menacée par ces engins de mort.
Notes