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Des moyens pour une école solidaire

En réaction aux mesures d’austérité envisagées par le Conseil d’Etat, les fonctionnaires genevois se préparent à une nouvelle mobilisation le 29 octobre. Au rang desquels les enseignant-e-s, qui se verraient privés de moyens face à des effectifs d’élèves en constante augmentation. Eclairage.
Fonction publique genevoise

Dans le cadre de son projet de budget 2021, le Conseil d’Etat genevois a l’intention d’introduire une série de mesures ciblant directement la fonction publique: baisse linéaire de 1% du traitement, suspension de l’annuité, augmentation de la cotisation à la caisse de pension et non-indexation du salaire. En tablant sur le préjugé populiste qui consiste à voir dans tout fonctionnaire un privilégié, l’exécutif ne fait pas la différence entre les hautes et les basses classes des échelles de traitement. Il semble prêt à détériorer les conditions de travail de la fonction publique, laquelle assume pourtant des rôles et activités indispensables à la collectivité, notamment dans le domaine de l’éducation, de la santé et de l’action sociale. Les syndicats de la fonction publique l’ont bien compris, qui se mobilisent à juste titre en ce moment avec le soutien des associations et des partis de gauche.

Le contexte de pandémie n’empêche ainsi pas la droite néolibérale de continuer à entonner la rengaine de l’austérité budgétaire. Dans le but déclaré d’une meilleure maîtrise des charges, cette dernière non seulement refuse d’augmenter les moyens alloués au domaine de la formation, mais suggère même de les réduire. Un projet de loi touchant à la filière du secondaire I propose ainsi d’augmenter le nombre d’heures d’enseignement par professeur-e afin de réduire «les coûts administratifs». Inquiets face à ce discours de rigueur, les associations d’enseignants du primaire et du secondaire et les milieux qui les soutiennent s’opposent avec raison à ce projet de loi et réclament notamment une augmentation des effectifs du personnel enseignant, le maintien des heures de dégrèvement et la possibilité de réallouer des ressources de l’enseignement ordinaire vers l’enseignement spécialisé.

Le Covid-19 met l’ensemble du dispositif de formation – élèves, enseignants et directions d’établissements – à rude épreuve. Il a eu un impact sur le nombre de contrats d’apprentissage conclus, en baisse de 15% cet été. Les élèves encadrés par le nouveau dispositif FO18 [formation obligatoire jusqu’à 18 ans] fréquentant les centres de formation pré-professionnelle éprouvent des difficultés supplémentaires. Organisée dans un hangar de Bernex où seront construits deux bâtiments scolaires – un cycle d’orientation et un centre de formation professionnelle et sociale –, la conférence de presse de rentrée du Département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP) le soulignait de façon éloquente: notre canton souffre d’une sérieuse pénurie de locaux scolaires.

Lutter contre le décrochage scolaire

S’élevant à 83 000 à l’horizon 2023, la croissance des effectifs d’élèves touche tous les degrés. Elle sera particulièrement marquée ces prochaines années dans le secondaire. Les exigences élevées du marché du travail impliquent un rallongement de la durée des études au secondaire II. Plutôt qu’une cure d’amaigrissement et des réductions d’effectifs en personnel, il faudrait mettre en place un dispositif de lutte contre le décrochage scolaire, augmenter l’offre d’études surveillées et introduire des modules spécifiques axés sur les nouvelles méthodes d’apprentissage. Au vu des circonstances, le nombre d’élèves au sein du réseau d’éducation prioritaire, où sont concentrés les élèves en difficulté, devrait aussi être limité.

Enfin, le temps que les enseignants accordent aux élèves pendant les pauses, qu’ils consacrent aux relations avec les parents, qu’ils dédient aux concertations pédagogiques et didactiques entre professeur-e-s, au travail interdisciplinaire avec les directions, les psychologues, les conseillers sociaux ou le Service de protection des mineurs, est essentiel. Vouloir les en priver relève de l’irresponsabilité sociale et économique. La scolarisation doit permettre aux futures générations de bénéficier d’une formation adéquate et utile, afin d’obtenir ensuite un travail décent. Elle doit aussi permettre aux individus de s’insérer de manière constructive dans la société locale et globale et d’en comprendre les enjeux. L’art. 13 du Pacte des Nations unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels reconnaît ainsi «le droit de toute personne à l’éducation, laquelle doit viser un plein épanouissement de la personnalité humaine et du sens de sa dignité et renforcer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales».

* Emmanuel Deonna est député PS au Grand conseil genevois.

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