«Sécurité» ou humanité?
Comme ces propos le démontrent, le relevé d’empreintes digitales n’est pas qu’une simple formalité administrative et a des conséquences très importantes sur le parcours migratoire des personnes en exil. Afin de contrôler les flux migratoires en Europe, les Etats membres de l’Union européenne et les Etats associés, dont la Suisse fait partie, ont mis en place les accords Dublin qui servent à déterminer l’Etat compétent pour traiter d’une demande d’asile lorsqu’une personne entre dans le territoire d’un des Etats parties. En vertu de ces accords, la personne migrante sera, en principe, sous la responsabilité du premier Etat dans lequel elle a pour la première fois donné ses empreintes digitales. Ces informations seront ensuite inscrites dans Eurodac, la base de données centrale de l’Union européenne.
Les accords Dublin s’appliquent également aux personnes mineures non accompagnées (MNA). Selon le règlement Eurodac, les postes frontières, les autorités de police cantonale et communale et les autorités compétentes dans le domaine des étrangers ont le droit de relever et comparer les empreintes digitales des mineur-e-s dès l’âge de 14 ans.
Ce procédé est problématique à plusieurs niveaux, notamment en termes de protection des données et de droits de l’enfant. Les empreintes digitales sont des données personnelles protégées par le droit fondamental du respect de la sphère privée. Toute ingérence de l’Etat doit dès lors être justifiée et proportionnelle. La prise d’empreintes digitales des enfants migrants dès l’âge de 14 ans est justifiée juridiquement pour la création d’un espace transnational sécurisé.
En outre, ce genre de pratique pousse à la criminalisation de la migration et à la gestion carcérale de la migration. En règle générale, la prise d’empreintes digitales est justifiée par le besoin de protéger le reste de la population et la possibilité de pouvoir retracer certaines personnes. Cela résulte souvent de politiques sécuritaires entourant le droit de la migration. Les personnes migrantes peuvent être soumises à cette prise d’empreintes du seul fait de leur statut administratif et de façon systématique sans avoir jamais commis d’infraction pénale. Pour les citoyen-ne-s suisses, la prise d’empreintes se fait uniquement en cas de soupçon ou de commission d’une infraction.
Ne serait-il pas temps d’appliquer les droits humains aux personnes en exil et de traiter les personnes mineures non accompagnées avant tout comme des enfants, comme le prescrit pourtant la Convention sur les droits de l’enfant?
Les auteurs de la chronique, Anuka Schubert et Rafael Almeida Marinho, sont Alumna et Alumnus de la Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables.
Rendez-vous mercredi prochain pour la suite de la série.