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Les États n’ont pas de morale

Heidi Seray s’interroge sur l’affaire de l’empoisonnement d’Alexeï Navalny.
Politique

Cette affaire d’empoisonnement soulève quand même quelques questions. Bon, Vladimir Poutine semble être une sorte de mal incarné. C’est du moins ce que l’on nous dit sur tous les tons depuis des années. Cela doit donc être vrai. Mais on nous dit aussi qu’il est supérieurement – diaboliquement aux yeux de certains – intelligent et très fin stratège.

Or, je constate qu’au moment où les relations entre l’Occident et la Chine sont au plus mal, le président russe aurait pu espérer, et tout faire pour cela, un léger rapprochement avec l’Occident, à tout le moins avec l’Europe, et un allègement des sanctions. Sans oublier évidemment qu’il reste dans notre collimateur à cause de la Crimée, de la guerre dans l’est de l’Ukraine ou encore du soutien qu’il apporte à l’autocrate biélorusse. S’y ajoutent les menaces de Trump à l’encontre de quiconque appuierait le projet du gazoduc Nord Stream 2. Ses menaces visent l’Europe en général, mais l’Allemagne en premier lieu. Et, comme toujours, tout ce joli monde s’est couché devant le maître de Washington et le projet est actuellement à l’arrêt.

Pourtant, c’est dans une situation aussi tendue pour la Russie que cet homme dit intelligent et fin stratège décide de faire empoisonner celui qu’en Occident on s’obstine d’appeler son principal opposant, M. Navalny. Complot raté. Et ceci deux ans après l’empoisonnement, également raté, de l’ex-agent double Skripal et de sa fille en Angleterre. Dans ce dernier cas, les exécutants auraient même été dûment identifiés par la police britannique.

Alors, je m’interroge. Non seulement Poutine organise des coups fourrés, même pas vraiment utiles, aux pires moments pour lui et son pays et, en plus, il les fait exécuter par des bandes de pieds nickelés. Est-ce crédible? Ou alors, les experts se seraient-ils trompés sur son compte? En réalité le QI du maître du Kremlin ne serait guère supérieur à celui de son homologue étasunien?

Ah, j’oubliais. Madame Merkel, après avoir brièvement critiqué les menaces de Trump, s’était pourtant exécutée en arrêtant en catimini la participation de l’Allemagne au Nord Stream 2. Or, aujourd’hui, elle menace de nouvelles sanctions la Russie, en citant nommément ce projet de gazoduc, au cas où le gouvernement russe ne lui fournirait pas des explications acceptables concernant cette affaire d’empoisonnement. Elle pourrait ainsi prétendre avoir rompu le contrat avec la Russie pour des raisons hautement morales et non pas par peur du grand méchant loup américain. Quand on vous dit que les Etats n’ont pas de morale, seulement des intérêts, presque tout est dit!

Heidi Seray,
Genève

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