Une grande cause s’effondre
«Remaniement de la honte», «Stop à l’impunité», «La culture du viol En Marche»: la mobilisation contre le nouveau gouvernement d’Emmanuel Macron ne désarme pas. En cause, la nomination à l’Intérieur de Gérald Darmanin, visé par une plainte pour viol, harcèlement sexuel et abus de confiance, et d’Eric Dupond-Moretti à la Justice, avocat connu pour la constance de sa ligne de défense dans les affaires de viols: suggérer que les victimes sont consentantes. Cette semaine encore, le nouveau ministre de la Justice s’empêtrait dans les chiffres des violences sexuelles en France, découvrant en direct la complexité de la question.
Au lieu de s’essouffler, le mouvement lancé le 7 juillet prend de l’ampleur. Et malgré les interpellations, les militantes continuent à suivre chaque déplacement du ministre de l’Intérieur. Dernier geste en date: l’association «Pourvoir féministe» a dénoncé officiellement le conflit d’intérêts auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Car Gérald Darmanin est bien devenu ministre de tutelle des officiers de la police judiciaire… chargés d’enquêter sur lui. Il a eu beau se fendre d’une lettre de déport – demandant qu’aucune information en lien avec la procédure ne lui soit transmise –, la situation reste parfaitement inacceptable. A noter que ses avocats ne nient pas les faits, mais leur qualification pénale. Quant aux associations féministes, elles peineront sans doute à poursuivre la mise en question du fonctionnement de la justice et de la police, élément clé de la lutte contre les violences sexistes.
Acculé par la mobilisation citoyenne, le président s’est flatté d’avoir cadré l’affaire dans une discussion «d’homme à homme» (sic). Cette manifestation de morgue patriarcale aura plutôt entretenu la mobilisation: les citoyen-ne-s n’ont que faire de tels arrangements «privés», seul compte un espace public où les règles sont les mêmes pour toutes et tous.
Si le choix du président enflamme pareillement la colère et jusque dans les rangs de la droite c’est, enfin, en raison du signal désastreux envoyé à la population. Si les malversations financières, les détournements de fonds ou la corruption mènent des politiciens vers la sortie, Darmanin et Dupond-Moretti, eux, ont été élevés à deux postes très puissants car la violence sexuelle (viol, harcèlement, corruption sexuelle, atteintes verbales) n’est toujours pas un crime comme les autres. Le temps où les «droits des femmes» étaient qualifiés de «grande cause du quinquennat» n’est pas si lointain, mais il est bel et bien révolu.